L’entreprise peut-elle sauver la démocratie ?

De nombreux acteurs interviennent aujourd’hui dans le champ politique en dehors de ceux qui participent directement au fonctionnement de la démocratie représentative : corps intermédiaires reconnus par la loi, groupes divers et variés, ONG, etc. Dans ce contexte quel rôle peut jouer l’entreprise. Peut-elle à son tour se vouloir garante de la démocratie, notamment pour ce qui concerne les enjeux sociétaux ?

De l’avis de nombreux observateurs, nos démocraties occidentales sont aujourd’hui affaiblies et incapables de relever les grands défis du XXIe siècle, au premier rang desquels la sauvegarde de la planète et l’épuisement des ressources. L’entreprise avec sa capacité d’innovation sans cesse renouvelée et son investissement de plus en plus important dans la vie de la cité peut-elle mieux que les Etats relever ces défis, et partant contribuer à la régénération de nos démocraties ?

La démocratie est un idéal souvent difficile à réaliser et surtout à préserver. L’entreprise peut-elle ouvrir la voie en adoptant elle-même une organisation démocratique, comme incitait à le faire en 2022 la ministre du Travail espagnole en proposant de « faire de la démocratie au travail une des priorités de l’agenda européen ».

Bien sûr, historiquement dans l’entreprise les processus de décision étaient réservés à une poignée d’acteurs seulement, avant que le dialogue social ne vienne un peu changer les choses Aujourd’hui, où chacun est en quête de sens, il est clair que les organisations verticales ne peuvent plus suffire. L’entreprise citoyenne se doit de mieux partager le pouvoir et la valeur.

Mais comment vaincre les résistances alors mêmes que partout les principes démocratiques reculent ?

Si la route est encore longue, tous les observateurs s’accordent à reconnaître que non seulement la démocratie en entreprise est possible, mais qu’elle est nécessaire pour que l’entreprise de demain soit véritablement en phase avec les aspirations de nos concitoyens. Pour Dominique et Alain Schnapper, « l’entreprise devrait même redevenir un lieu essentiel de la socialisation, compenser les effets de la polarisation du salariat, financer la dépendance des plus âgés, préserver la biodiversité, combattre les effets du réchauffement climatique, ne jamais négliger les conséquences sociales et environnementales de son activité avant de viser son profit ». Pour autant, peut-elle devenir au XXIe siècle un acteur politique ? Le lieu où se prennent des décisions engageant le destin de la collectivité ? En 2011 déjà, suite à la journée de réflexion organisée à l’Unesco sur les nouvelles façons de travailler, Pierre-Henri Menthon et Airy Routier affirmaient dans Challenges que « la démocratie dans l’entreprise est l’école de la démocratie tout court et une condition du développement économique ».  Où en sommes-nous vraiment aujourd’hui et que reste-il à faire ? Frantz Gault, sociologue des organisations, cofondateur d’Ultralaborans, et Francois Miquet-Marty, président de Viavoice, feront le point le 1er février prochain.