L’excès de réglementation nuit-il à la puissance ?

Entre 2017 et 2022, les entreprises françaises ont dû digérer chaque mois une moyenne de sept nouvelles obligations et 51 pages de réglementation, selon une étude du think tank Confrontation Europe commandée par le Medef. Dix directives et 64 nouvelles obligations doivent encore faire l’objet d’une transposition en France dans les prochaines années. Avec un coût (exorbitant) pour les entreprises, 75 à 87 milliards d’euros par an selon l’Ifrap. Cette inflation normative s’est accentuée avec la crise sanitaire et la transition européenne. Pour le Wall Street journal, avec cet excès de réglementation, « l’Europe se tire une balle dans le pied et entrave sa capacité à rivaliser avec la Chine et les Etats-Unis ». L’Europe a en effet frôlé la récession en 2023, alors que les Etats-Unis affichaient une croissance insolente. L’excès de réglementation et de taxes, dénoncé par le Medef tant au niveau national qu’au niveau européen, est sans aucun doute « l’ennemi déclaré des patrons européens ». C’est aussi une des principales raisons de la colère agricole, comme l’ont démontré les manifestations monstres de ces dernières semaines.

Les défenseurs de la réglementation européenne expliquent que si, d’un côté, toutes ces normes donnent le sentiment d’une « gestion mal maîtrisée », de l’autre elles permettent « une réduction des incertitudes et la création de régularités dans un contexte d’instabilité macroéconomique ». Elles seraient ainsi « un gage de résilience » pour l’Union. Mais visiblement, cela est loin de convaincre. La France et l’Allemagne ont de concert, par la voix de leurs ministres de l’Economie respectifs, déclaré vouloir s’attaquer à l’excès de normes et de bureaucratie en Europe, qui « freine l’investissement ». Pour Robert Habeck et Bruno le Maire, la surrèglementation est vraiment donc devenue l’ennemi à abattre.

Mais, en fait, à quoi servent les normes européennes ? Ceux qui les élaborent considèrent qu’elles protègent le citoyen et le consommateur, qu’elles sont indispensables au commerce et qu’elles sont une référence dans le monde entier, permettant à l’Europe de sécuriser ses chaînes de valeur. Alors, pourquoi les juge-t-on très souvent trop contraignantes et absurdes, notamment en matière environnementale, où on les accuse de favoriser la concurrence déloyale de pays moins contraints ?

La loi visant à réglementer l’IA, qui devrait entrer en vigueur en 2026, est une autre pierre d’achoppement. Des grandes entreprises privées européennes ont publié une lettre ouverte, plaidant pour moins de restrictions et une approche moins bureaucratique, et le créateur de ChatGPT, Sam Altman a même menacer de se retirer de l’Europe, si la législation devient trop contraignante.

L’Europe semble donc « malade de l’inflation normative » et partout, au ministère de l’Économie comme dans les collectivités ou les entreprises, les discours sur l’excès de normes ne cessent d’enfler. Une récente enquête de BusinessEurope, menée dans 35 pays auprès d’entreprises internationales, a ainsi montré que 90 % d’entre elles estiment que L’UE est devenue un lieu d’investissement moins attrayant, les prix de l’énergie et l’augmentation de la réglementation étant les principaux responsables.

Bruxelles considère a contrario que les normes européennes sont les « garantes du bon fonctionnement du marché unique ». Qui a tort, qui a raison ?

Il est certain que la norme est « l’outil privilégié par l’Union européenne pour agir ». Mais en produit-elle vraiment trop ? Les réglementations européennes constituent un bouc émissaire bien pratique pour tous les eurosceptiques, prompts à déclarer « c’est la faute à l’Europe ! »  L’harmonisation règlementaire est-elle vraiment un handicap pour la puissance de l’Europe ou est-elle la condition nécessaire à l’intégration européenne et à la constitution d’un grand marché ouvert ? « Lorsque la Commission cherche à étendre ses compétences, elle a tendance à le faire à travers la réglementation », constate Anu Bradford, experte de premier plan de l’Union européenne. Mais comment ne pas sombrer dans l’excès et ne pas devenir trop tatillon ? Quand viendra le jour de la grande simplification ? Réponse le 28 mars prochain lors du débat « L’excès de réglementation nuit-il à la puissance ? », avec Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, Fabrice Le Saché, vice-président du Mouvement des Entreprises de France, et Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation iFRAP.