IA : vers l’obsolescence des compétences bureautiques ?

L’évolution de l’intelligence artificielle interroge sur la pertinence de former les individus aux compétences bureautiques traditionnelles. L’intégration de l’outil Copilot de Microsoft dans la suite Office, avec une probable adoption par d’autres acteurs du marché, témoigne de l’essor de l’IA dans ce domaine. Les avancées annoncées en matière d’automatisation grâce à l’IA soulèvent la question de la nécessité de maintenir une formation poussée dans la manipulation des outils bureautiques.

Dans l’imaginaire collectif, l’IA automatise et simplifie au point de remplacer la maîtrise de l’outil. Avoir recours à l’IA serait comme discuter avec le reflet de notre esprit dans un miroir virtuel, un reflet plus capable. Or, l’IA n’est pas le reflet de notre esprit. Si elle est capable de remplir des tâches complexes et impliquant un nombre important de données, elle n’a pas de créativité, pas de capacité d’initiative. C’est la différence avec un collaborateur de l’entreprise ! L’utilisation pratique de l’IA met en lumière sa dépendance à des instructions précises, tandis qu’un collaborateur humain intègre souvent des instructions implicites basées sur la culture d’entreprise ou l’expérience professionnelle. Il est aussi en mesure de compléter des instructions qui seraient manquantes. C’est pour cela qu’un collaborateur est dans presque tous les métiers beaucoup plus qu’un simple exécutant. L’heure où donner un ordre simple à l’IA suffira à lui faire remplir toute une mission comme on le fait avec un humain n’est pas encore arrivée, elle ne peut deviner les demandes implicites du donneur d’ordre, elle n’est pas son reflet…

Par ailleurs, les outils bureautiques augmentés à l’IA relèvent plus du changement de degré que de nature. Si la formation à une maîtrise avancée de ces outils était importante pour les entreprises, c’est en raison de l’existence d’une multitude de fonctions complexes relevant de l’automatisation des tâches, vecteur de gains de productivité. L’IA permet de pousser cette automatisation plus loin, d’accomplir des tâches plus complexes, sur des données de plus grande ampleur.

L’avènement de l’IA ne supprime pas le besoin de compétences mais le transforme. De manière générale, au-delà de la bureautique, l’arrivée de l’IA crée davantage de besoins d’acquisition de compétences qu’elle n’en supprime. Pour utiliser efficacement l’IA, une bonne compréhension de ses mécanismes de base est nécessaire, et la formulation des prompts est devenue le véritable « nerf de la guerre ». Nous voyons apparaître dans tous les services de l’entreprise des formations métiers pour intégrer l’IA à son activité et elles consistent en grande partie à apprendre et connaître, par retour d’expérience, les prompts utiles et efficaces. Beaucoup de ces formations sont portées par des acteurs plus pionniers que formateurs. Les acteurs traditionnels de la compétence doivent s’en emparer au plus vite, car sous le vernis de l’accès grand public de ChatGPT, nous voyons déjà un fossé se creuser entre les initiés et les non-initiés.

Ainsi, l’IA, en amenant de nouveaux gains de productivité mais aussi de nouvelles complexités, va profondément changer les besoins de compétences sur les outils bureautiques.

Auteur : Christopher SULLIVAN, Directeur Général ICDL France