#Wattsthefuture. Quelle lumière au bout du tunnel ?
« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées », tout le monde se souvient de ce slogan lancé en 1974 par l’Agence des économies d’énergie en plein choc pétrolier. Aujourd’hui, ce slogan reprend toute son acuité, à l’heure où la guerre en Ukraine et le renchérissement du prix du gaz et du pétrole placent la France et toute l’Europe face à l’inconfort de leur dépendance énergétique.
On n’a bientôt plus de pétrole, c’est un fait, mais a-t-on encore des idées ? « Nous devons prendre conscience que nous entrons dans un monde nouveau », déclarait en mars dernier Bruno Le Maire, en demandant aux Français de faire des efforts sur leur consommation d’énergie. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) publiait dans la foulée un plan de dix mesures pouvant être mises en place immédiatement, afin de baisser nos consommations de pétrole et contribuer à faire retomber les prix. Bien sûr « chaque geste compte », mais si elle est nécessaire, cette chasse au gaspi ne résoudra en rien le problème sur le long terme. Les réserves de pétrole ne sont pas inépuisables et nous avons pour objectif d’atteindre d’ici 2050 la neutralité carbone. Ce constat implique de se creuser les méninges et d’être inventif pour accélérer la transition énergétique.
Faire face à la demande sans dégrader le climat ?
La consommation mondiale d’énergie ne cesse d’augmenter, et aujourd’hui encore pétrole, gaz et charbon dominent le mix énergétique. En 2020, les énergies fossiles représentaient en effet 84,3 % de l’énergie consommée selon une étude de BP. Si l’on en croit le cabinet The Shift Project, les seize pays pétroliers fournisseurs de l’UE vont connaître à partir de 2030 un déclin prononcé de leur production. La production mondiale de gaz naturel devrait également décroître entre 2023 et 2078, faute de réserves exploitables. Certes, les réserves de charbon sont beaucoup plus importantes, mais utiliser plus de charbon ne ferait qu’augmenter la pollution et aggraver le réchauffement climatique. C’est donc la quadrature du cercle.
Faire face à la croissance continue des besoins en énergie tout en préservant le climat est un défi majeur, qui nécessite une approche globale. Les solutions sont d’ailleurs loin d’être unanimes : énergies renouvelables, nucléaire, baisse drastique de la consommation… le problème est complexe.
Certains misent par exemple sur l’arrivée massive des véhicules électriques pour diminuer la consommation de pétrole. Mais le remplacement de l’ensemble du parc automobile n’est pas pour demain et la baisse de la consommation de carburant fossile liée à cet essor n’atteindra que 825 millions à 1,5 milliard de barils, ce qui ne représentera que 2,3 % à 4,2 % de la production mondiale.
On constate aussi un essor des énergies renouvelables, même si beaucoup déplorent des investissements très insuffisants en ce domaine. De plus, leur caractère intermittent et la multiplication des acteurs impliqués en rendent le pilotage complexe. Les énergies renouvelables, pour être réellement efficaces demandent qu’on puisse développer le stockage de leur production, ce qui aujourd’hui semble encore compliqué. La doxa écologiste misant sur un mix 100 % vert ne semble donc pas être pour tout de suite… même si les technologies ne cessent d’évoluer.
Quant au nucléaire, n’en déplaise à ses détracteurs, il représente selon l’AIE, la plus grande source d’électricité à faible émission de carbone en Europe. Mais les centrales du continent vieillissent et depuis Tchernobyl et Fukushima, le nucléaire fait peur et ce ne sont pas les menaces sur la centrale de Zaporijia qui vont arranger les choses. Mais là aussi les technologies évoluent et les réacteurs de demain, modulaires ou à fusion, pourraient jouer un rôle important pour la fourniture d’une énergie bas-carbone.
Quoi qu’il en soit, les énergies fossiles vont conserver une place prépondérante dans le mix des prochaines années. Il faut donc aussi chercher à limiter les émissions de CO2 qu’elles génèrent. Le captage et la réutilisation du CO2 pourraient être une piste. Véolia, par exemple, mène des expérimentations en ce sens.
L’efficacité énergétique de nos habitations, de nos bâtiments et de nos moyens de transports est une autre solution pour répondre à une partie de la demande croissante en énergie sans augmenter la consommation globale. « Il va falloir un véritable plan Marshall de l’efficacité énergétique, estime Nicolas Goldberg du cabinet Colombus Consulting, car les passoires thermiques, ce n’est plus possible ». Cela devra bien sûr s’accompagner de mesures incitatives de la part des pouvoirs publics.
L’affaire de tous
Résoudre la crise de l’énergie va donc nécessiter d’articuler sobriété énergétique, efficacité énergétique et développement d’énergies renouvelables. Cela implique une combinaison de politiques gouvernementales incitatives, d’innovations technologiques, de collaborations internationales et d’engagement de la part de la société tout entière : administrations, individus et entreprises.
Plutôt que de s’enferrer dans un débat binaire entre énergies fossiles et énergies renouvelables et de considérer ces deux options comme mutuellement exclusives, pourquoi ne pas adopter une approche plus nuancée et holistique, qui prenne en compte les avantages et les inconvénients de chaque type d’énergie et qui favorise une transition progressive vers un système plus diversifié et durable ?
Comme l’a récemment souligné Patrick Pouyanné, « la guerre qui est revenue frapper l’Europe montre à quel point l’énergie est une ressource essentielle pour tous (…) Plus largement, 2022 a démontré avec force que le monde d’aujourd’hui a encore besoin des énergies d’aujourd’hui, constituées à plus de 80 % d’énergies fossiles. Mais l’année 2022 est aussi venue nous rappeler l’urgence d’agir pour la décarbonation de nos économies. L’urgence consiste donc à construire le système énergétique de demain, tout en continuant à fournir l’énergie dont le monde a besoin aujourd’hui. »
Alors quelle sera l’énergie de demain et à quel prix ? Réponse le 29 août prochain lors du débat #Wattsthefuture. Quelle lumière au bout du tunnel ?