La liberté est le premier principe de notre devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité. Elle est aussi multiple : liberté de mouvement, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté de manifester, etc. Mais que reste-t-il de toutes ces libertés ? Tel est le thème choisi pour la première demi-journée de la REF, qui se tiendra les 25 et 26 août prochains sur l’hippodrome Paris-Longchamp. Un thème auquel la pandémie de Covid-19 a redonné toute son actualité, comme en témoignent les récentes manifestations contre la mise en place du passe-sanitaire jugé liberticide par une frange de la population.

« La liberté, entendue comme libre-arbitre, est une illusion de la conscience. Elle résulte en fait de notre ignorance des causes qui nous déterminent » écrivait Spinoza. Aujourd’hui face aux immenses défis qui s’imposent à l’humanité tout entière, pandémies, urgence climatique, épuisement des ressources…c’est le concept même de liberté, thème dont les philosophes débattent depuis plus de deux millénaires, qu’il nous faut repenser au même titre que notre modèle démocratique ou notre contrat social. En d’autres termes, l’époque est-elle devenue celle de la limitation des libertés individuelles fondamentales au nom de la sécurité collective et, si oui, comment justifier ce choix ?

Entreprises, droits de l’homme et libertés ?

A la faveur de la pandémie et de la crise qui en découle, l’éthique s’est affirmée comme une priorité, notamment au sein des entreprises. Un des thèmes abordés au cours de cette première demi-journée s’intéressera notamment à l’éthique du business, à la manière de concilier profit et droits de l’homme et à la part de responsabilité des entreprises dans la défense des droits de l’homme et des libertés.

Le profit est-il plus important que les droits humains ? Le marché peut-il s’encombrer d’états d’âme quand il s’agit de maintenir des coûts de production les plus bas possible pour répondre aux aspirations des consommateur ? Des aspirations d’ailleurs souvent contradictoires quand les consommateurs se montrent également de plus en plus soucieux des conditions de production des biens qu’ils achètent. Alors, comment concilier l’inconciliable et comment accorder ses pratiques commerciales aux principes affichés dans les chartes RSE ?

Les entreprises se sont en effet saisies du problème et sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à mettre en avant leurs valeurs éthiques à destination à la fois de leurs clients, de leurs actionnaires et de leurs salariés, dans le but de développer une fierté d’appartenance, essentielle à l’heure où les salariés, notamment les plus jeunes, sont de plus en plus en quête de sens.

Si mettre en place une démarche éthique n’assure pas de gain économique immédiat cela permet de générer de la motivation, de fidéliser ses salariés comme ses clients, de renforcer la confiance et d’améliorer son image de marque.

Pour Hegel, « on ne convoque l’éthique que quand une société est en crise ». N’est-ce pas le cas aujourd’hui où les principes moraux qui fondaient nos sociétés occidentales se délitent les uns après les autres ? Mais quels sont les enjeux économiques, sociaux, sociétaux et quelles sont les limites de l’éthique dans un contexte de nécessaire croissance économique ? Dans quelle mesure l’éthique participe-t-elle à une remise en cause des modes traditionnels de management et surtout, comment faire pour la mettre en place dans toutes les entreprises ? Les PME TPE sont-elles, elles aussi, concernées ? Autant de questions auxquelles les participants à ce débat tenteront de répondre.

Liberté vs sécurité

Autre débat de cette première demi-journée, les relations très complexes entre liberté et sécurité. La longue marche des libertés, si chère à la France, s’achève-t-elle inexorablement devant le risque et la volonté de se protéger coûte que coûte contre tous les dangers qui menacent nos sociétés : terrorisme, insécurité, risques sanitaires ? Face à ces menaces, les démocraties contemporaines semblent de plus en plus tentées de multiplier les techniques de surveillance et de contrôle. Jusqu’où peuvent-elles aller sans menacer leurs fondements même ?

Plan Vigipirate, état d’urgence, passe-sanitaire… nous sommes de plus en plus surveillés pour faire face aux différents dangers qui nous menacent. Jamais les normes de précaution n’ont été aussi nombreuses, jamais la quête du risque zéro aussi présente. Dès 2002, jacques Chirac affirmait que « plus personne ne se sent à l’abri en France », que dirait-il aujourd’hui ? Le sentiment croissant d’insécurité a conduit les gouvernements successifs à multiplier les politiques sécuritaires. Les « vigiles » appuyés par les nouvelles technologies sont désormais partout, au prix, selon les détracteurs de ces nouvelles méthodes, d’un renoncement à certaines libertés individuelles.

Si une part croissante de la population se plie de bonne grâce à tous ces contrôles, au nom d’un désir de sécurité, d’autres au contraire se plaignent que nous soyons « tous fichés » et s’insurgent parfois de façon violente. Les exemples ne manquent pas !

Mais où commence et où s’arrête la liberté individuelle quand la sécurité de tous est menacée ? Comment trouver le meilleur équilibre entre respect des droits de chacun et protection de tous, entre laxisme et autoritarisme ? La liberté dit l’axiome populaire, s’arrête où commence celle des autres, et la sécurité n’est-elle pas la première des libertés ? Comment assurer la sécurité sans sacrifier la liberté ? C’est à cette question très complexe que tenteront d’apporter des réponses les participants à ce deuxième débat.

Vivre libre ou mourir : est-on condamné à choisir son sacrifice ?

La crise du Covid a engendré un grand enfermement. Confinements, restrictions, interdits, fermetures, échanges limités…si la santé n’a pas de prix, elle a aussi des coûts humain, moral, social, et elle a accentué un clivage générationnel. Le troisième débat cherchera à déterminer jusqu’où nous sommes prêts à aller pour défendre notre liberté.

« Vivre libre ou mourir », la devise de la Révolution française gravée sur le Panthéon montre que certains vont jusqu’à mettre leur vie en péril pour défendre leur liberté. Une devise d’ailleurs partagée par beaucoup, de l’état américain du New Hampshire au poète anglais Wordsworth, en passant par les résistants pendant la seconde guerre mondiale ou l’écrivain grec Níkos Kazantzákis.

Aujourd’hui il ne s’agit bien sûr plus de défendre sa liberté par les armes, en tout cas pas dans nos sociétés occidentales, mais de choisir entre risque ou contrainte, en acceptant parfois, consciemment ou inconsciemment ; de mettre sa vie dans la balance. Nous avons, disent les spécialistes, une chance sur 500 de mourir lorsqu’on contracte la Covid-19. Qui accepterait encore de monter dans un avion avec un risque aussi élevé ? Pourtant, de plus en plus de nos concitoyens s’insurgent contre l’autoritarisme, parfois mal expliqué, des pouvoirs publics, même s’il faut souligner la facilité avec laquelle les peuples du monde entier ont accepté les mesures restrictives relatives à la pandémie ce qui montre que face à l’urgence une vaste majorité accepte de céder une partie de ses droits pour sa survie.

Dans la célèbre dialectique du maître et de l’esclave de Hegel, celui qui a choisi la liberté et la mort prend la figure du maître, tandis que l’autre – qui a préféré la vie – prend la figure de l’esclave. Mais, comme Hegel le souligne ensuite, pour finir, c’est l’esclave qui, en transformant le monde extérieur, s’en rend le maître et réalise ainsi la liberté.

Se plier à la contrainte autoritaire est-elle pour autant la seule solution ? Comment sortir de la verticalité du pouvoir et quelles sont les meilleures réponses pour éviter de cliver les populations et sortir de ce ressenti d’un trop plein de restrictions qui pousse certains à préférer le risque ? Vaste sujet !

Peut-on être libre et (ir)responsable ?

L’Académie de médecine préconise de rendre obligatoire la vaccination contre le Covid-19. Les soignants ont-ils le choix de ne pas être vaccinés ? Face à la pandémie, est-on libre de son consentement ? L’avant dernier débat de la demi-journée pose le problème de la responsabilité et de l’acceptation des conséquences de ses actes.

Il est certes des situations où cette conscience semble atténuée, voire abolie. Comment par exemple juger responsable quelqu’un qui n’avait pas pleinement conscience des risques encourus ? Face à la pandémie de Covid-19, étant donné l’importance des alertes et des informations diffusées par l’ensemble des médias pour mettre la population en garde, difficile toutefois de plaider l’ignorance ou l’inconscience.

L’article 1382 du Code civil stipule clairement que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ». L’homme est « responsable de tous les hommes », disait Sartre et cette responsabilité n’est pas uniquement d’ordre juridique, elle est aussi morale et s’oppose souvent à nos intérêts égoïstes.
Être libre et irresponsable, sans penser aux répercussions de nos actes sur autrui, conduirait à un vrai dysfonctionnement de la société. Depuis la Révolution, l’État doit garantir aux citoyens la « sûreté ». En échange de cette protection, les citoyens renoncent à une petite part de liberté et acceptent de respecter la loi afin d’éviter l’anarchie.

Et on peut également s’interroger du rôle que peuvent jouer les réseaux sociaux, d’aucuns diront les « fléaux sociaux », dans cet arbitrage entre liberté et responsabilité. En véhiculant des fake news, très difficiles à démonter, les réseaux sociaux entretiennent l’ignorance et attisent le débat entre liberté et responsabilité en s’appuyant sur des inquiétudes souvent légitimes. Encouragés par les réseaux sociaux, beaucoup oublient aujourd’hui de se confronter au réel et cèdent aux sirènes de complotistes de tous bord. Comment les ramener à la raison et les convaincre d’agir à leur tour pour le bien commun ? Les intervenants à ce débat essaieront de tracer la voie.

Libre ou vert ?

Enfin, le dernier débat de la demi-journée s’intéressera aux impacts du changement climatique sur nos libertés individuelles ou collectives. On le sait, l’urgence climatique est devenue l’enjeu majeur de ce XXIème siècle. Mais est-elle en même temps devenue l’ennemi de la liberté ? Travel ban, « viande bashing », fin de la voiture, « néo-localisme », malthusianisme etc., est-on condamné à restreindre nos libertés pour préserver la planète ? Les limites environnementales auxquelles l’individu se retrouve aujourd’hui confronté posent effectivement toute une série de questions et les impératifs écologiques changent incontestablement la donne dans le débat autour de la liberté.

La principale conséquence de ce constat est que la période de croissance sans précédent que les pays industrialisés ont connue depuis la révolution industrielle ne pourra être prolongée indéfiniment. Dès lors, se pose la question de la transition vers une relation durable avec la nature qui implique un changement radical de nos modes de vie. Il semble en effet bien difficile de faire de l’écologie sans limiter un grand nombre des activités humaines. Face à cela la tentation d’interdire grandit au point que certains n’hésitent plus aujourd’hui à parler de « dictature verte » et à penser que seules des mesures coercitives permettront de faire bouger les lignes.

L’écologie est-elle vraiment condamnée à être liberticide ? Pour sauver la planète et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, à savoir une neutralité carbone d’ici 2050, n’y a-t-il pas d’autre solution que « d’imposer l’écologie par la force » via des lois contraignantes avec les conséquences que cela peut entraîner – on se souvient des gilets jaunes – ?

Si l’individu a certes un rôle à jouer, on sait combien les changements de comportement sont difficiles, donc comment générer le sursaut qui nous permettra collectivement de trouver des solutions acceptables par le plus grand nombre ? La démocratie participative est-elle la solution, les citoyens étant plus enclins à respecter et appliquer des lois qu’ils auront participé à élaborer ? Quoi qu’il en soit, sauver la planète en préservant les libertés pose un dilemme vertigineux auquel les participants à ce débat tenteront de répondre.