Une Europe qui vieillit peut-elle être puissante ?

Avec le vieillissement de la population et la baisse du taux de fécondité, la croissance démographique européenne est en berne. L’Europe s’apprête à vivre un bouleversement démographique, prévient l’OMS. Les plus de 65 ans vont très vite être plus nombreux que les moins de 15 ans. Le rapport 2023 sur l’impact du changement démographique montre qu’en 10 ans, l’UE a perdu 5 millions de personnes actives, plus particulièrement en Lettonie, en Bulgarie et en Roumanie, en raison de la baisse de natalité et des flux migratoires (fuites de cerveaux). Le problème devrait encore s’aggraver et la Commission prévoit que la population active diminuera de 35 millions d’ici à 2050.

Dans aucun pays du continent l’indicateur conjoncturel n’atteint le niveau nécessaire au remplacement, qui s’établit à 2,1 enfants par femme.  Au 1er janvier 2023, la population de l’Union européenne à 27 États comptait 448,4 millions d’habitants, en hausse de 1,6 million de personnes sur un an. Les habitants de cinq pays – l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et la Pologne – représentent les deux tiers de la population de l’UE. Selon Eurostat, nous ne serons qu’un peu plus de 449 millions en 2030 (+2M d’Européens en 10 ans). Sept pays de l’UE ont enregistré une baisse de leur population entre 2022 et 2023, Bulgarie en tête (-5,7 %), La France, en revanche, a gagné 199 000 habitants, faisant progresser sa population de 0,29 %.

A partir de 2026, la population européenne devrait entamer un déclin progressif, retombant à 447,9 millions à l’horizon 2050, un niveau proche de celui de 2022. En cause, le fort vieillissement de la population. La part de la population active devrait baisser de façon significative tandis que la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus devrait augmenter. Une tendance qui affaiblit l’Europe, car elle va à l’encontre de la situation internationale ; l’Afrique devrait notamment voir sa population tripler au XXIème siècle.

La question de la démographie est donc devenue un des principaux enjeux du continent européen, « nous n’avons pas assez de personnes, nous n’avons pas assez de capital humain en Europe », s’inquiète la commissaire Dubravka Suica, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la démocratie et de la démographie. Entre la baisse de la natalité, le vieillissement massif de la population et la pénurie de compétences, comment faire face et assurer l’équilibre des finances publiques ? La Commission européenne prévoit en effet que les dépenses de santé pour les personnes âgées et les retraités (actuellement 25 % du PIB de l’UE) augmenteront de plus de 2 % d’ici 2040.

« L’Europe doit trouver une issue », souligne Dubravka Suica. Comme le disait Alfred Sauvy, les économistes « refusent de voir » le lien entre croissance économique et dynamique démographique et pourtant, l’histoire montre que c’est corrélé, il suffit de penser aux trente glorieuses !

Le vieillissement de la population représente également une menace pour le climat, car selon une récente étude de l’Ined, « plus on vieillit, plus on pollue », en raison notamment de dépenses de chauffage plus importantes. Une première solution pour pallier ce déficit démographique, consiste à agir sur le taux de natalité, donc sur la politique familiale, et on assiste partout en Europe à une multiplication des politiques natalistes. Le « réarmement démographique », souhaité par Emmanuel Macron, en est l’illustration. Mais, même à supposer que cela soit suivi d’effet, les résultats ne seront pas tangibles avant une vingtaine d’années au mieux.

La situation européenne s’oppose nettement à celle observée aux États-Unis, pays réputé pour l’importance de l’immigration. Pour beaucoup d’observateurs, la solution passe donc par l’immigration ? On sait que parallèlement au déficit démographique européen, l’Afrique va voir sa population augmenter de 1,3 milliards ces prochaines décennies. Faut-il de ce fait accueillir beaucoup plus d’Africains pour conforter notre croissance économique ? Tout a toujours démontré que l’immigration est une variable démographique qui répond à de multiples facteurs, mal mesurés pour autant ; selon un récent sondage, 69 % des Français sont opposés au recours à l’immigration pour relever les défis démographiques et relancer la natalité.

Dans ce contexte que faire ? Comment l’UE peut-elle rattraper son retard ? Doit-elle accueillir plus d’immigrés pour booster sa population active rétrécie ? Et quelle politique migratoire mettre en place ? Sophie Boissard, directrice générale du groupe Clariane, Hakim El Karoui, fondateur de Volentia, Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, et Deša Srsen, chef de cabinet adjoint du vice-président de la Commission européenne en charge de la démographie, apporteront des réponses le 28 mars et nous diront si « Une Europe qui vieillit peut-elle être puissante ? »