Partage du pouvoir en entreprise, partage des valeurs ?
Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi sur le partage de la valeur en entreprise, en novembre 2023, qui réforme l’intéressement et la participation, transposant ainsi l’accord conclu entre syndicats et patronat pour étendre à toutes les entreprises de plus de 11 salariés les dispositifs de partage des bénéfices des entreprises.
En renforçant le lien entre la performance de l’entreprise et le bien-être des salariés, ce texte de loi crée indubitablement une plus grande cohésion sociale au sein des entreprises, à l’heure où ces dernières cherchent des leviers pour recruter et pour fidéliser leurs employés.
Bien sûr, on ne peut que saluer les fondements de ce projet qui marque une avancée vers un modèle économique plus équitable et plus inclusif et qui souligne une volonté de rééquilibrage des rapports entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. Mais la valeur financière est-elle la seule qu’il faille partager au sein de l’entreprise ?
Dans le monde du travail post-Covid, le management pyramidal n’a plus la cote, la confrontation s’installe et se pose désormais la question du partage du pouvoir. Les salariés demandent toujours plus d’autonomie, de dialogue et de responsabilités et les managers sont désormais de plus en plus nombreux à privilégier la confiance et à laisser une plus large place à l’échange. Pour Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe et auteur de « Liberté & Cie, quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises », le partage des pouvoirs dans l’entreprise est à la fois une solution au malaise actuel et un levier de performance. Pour lui, « l’exercice d’un contrôle autoritaire s’accompagne d’une multitude de coûts cachés qui ne pèsent pas seulement sur les bénéfices mais sur la santé des employés (…) La plupart des règles ne se bornent pas à saper leur moral : elles empêchent la grande majorité d’entre eux de faire ce qui conviendrait ». « Si on laisse aux salariés le pouvoir de résoudre un problème, ils trouvent la solution eux-mêmes. Sinon ils appliquent…mais sans conviction », ajoute-t-il.
Mais combien d’entreprise françaises sont vraiment prêtes à s’engager sur cette voie d’un management à la scandinave qui laisse les salariés fixer leur propre emploi du temps, qui encourage la prise de risque et qui accepte de lâcher prise ? Et ce type de management est-il compatible avec notre culture, sans que cela ne conduise à l’anarchie ?
Et d’ailleurs, ce problème de partage du pouvoir ne se pose-t-il pas également à la tête même des entreprises ? Pour Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit Lyonnais et auteur de « Réformer la France », « personne n’a vraiment envie en France de toucher aux lois sur l’organisation de la gouvernance des entreprises. On n’aime pas le partage du pouvoir. L’individu qui se trouve à la tête de la pyramide a simplement envie que cela reste une pyramide ». A-t-il vraiment raison ?
Il est clair que les principes démocratiques doivent désormais s’étendre à d’autres sphères que celle de la politique, et notamment à l’entreprise. Mais comment faire pour associer concrètement toutes les parties prenantes aux décisions et aux résultats ? Et au-delà des bénéfices, quelles valeurs convient-il de partager ? Faut-il chercher des compromis ou un consensus ? Autant de question autour desquelles débattront le 1er février prochain, Isabelle Kocher de Leyritz, ancienne directrice générale d’ENGIE, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, Louis Margueritte, député Renaissance, et Loïc Soubeyrand, directeur général de Swile.