#WomanPower. Le jour où la journée internationale du droit des femmes n’existera plus…
« La femme est l’avenir de l’homme », déclarait Aragon dans son poème à Elsa Triolet, mais où en est la situation des femmes dans le monde en 2023 ? Certes, les droits des femmes ont plus progressé ces cinquante dernières années qu’en 2 000 ans d’histoire. Pour autant, de très nombreux combats restent à mener pour que la moitié de l’humanité trouve enfin toute sa place. Selon les chiffres de l’ONU, les femmes produisent les deux tiers des richesses de la planète, mais ne reçoivent que 10 % des revenus mondiaux.
A l’occasion de la journée internationale des femmes le 8 mars dernier, ONU Femmes lançait l’alerte : « au rythme actuel, il faudra près de 300 ans pour atteindre l’égalité de genre. Les actions entreprises sont encore insuffisantes face à l’urgence, l’ampleur et la gravité de ce que vivent les femmes dans le monde. Il est impératif d’agir ». Egalité salariale, violences physiques et sexuelles, accès à l’éducation, leadership économique et participation politique, stéréotypes de genre, travail non rémunéré et charge mentale, droit de disposer de son corps, santé reproductive… on ne compte plus les domaines dans lesquels il reste fort à faire. Dans certains pays, les droits des femmes ont même enregistré un recul ces dernières années. En Inde, la culture du viol se perpétue en dépit d’une législation plus sévère ; le viol devient également une arme de guerre en Afrique ou au Moyen-Orient ; en Pologne comme en Hongrie, la dénonciation de l’idéologie de genre et la mise en avant des valeurs traditionnelles nuisent à l’émancipation des femmes ; en Russie, les violences conjugales sont décriminalisées ; et même aux Etats-Unis, les Républicains cherchent à interdire l’avortement dans de nombreux Etats…
De fortes disparités Nord-Sud
Être une femme en Europe, en Afrique ou au Moyen-Orient ne recouvre pas la même réalité. Entre l’Islande, pays champion du monde en termes de parité, et l’Afghanistan, où les filles n’ont même plus le droit d’aller à l’école, le gouffre est immense et à travers le monde, on constate de très fortes disparités en fonction des contextes culturels, sociaux et géographiques. De nombreux pays ne reconnaissent pas la majorité juridique aux femmes, d’autres exigent encore qu’elles aient un tuteur masculin, et selon le décompte de l’association « Union suisse pour décriminaliser l’avortement », en 2018, seuls 58 pays dans le monde autorisaient l’avortement sans condition. Cela sans même parler des inégalités économiques !
Un rapport de la Banque mondiale de 2022 montre qu’environ 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas de l’égalité des chances économiques et que 178 pays maintiennent des obstacles juridiques qui empêchent leur pleine participation à la vie économique. La situation domestique des femmes impacte également fortement cette participation. Pour Carmen Reinhart, vice-présidente et économiste en chef de la Banque mondiale, « les femmes ne peuvent pas atteindre une égalité au travail si elles ne sont pas sur un pied d’égalité à la maison. Cela signifie qu’il faut uniformiser les règles du jeu et faire en sorte que le fait d’avoir des enfants ne se traduise pas par l’exclusion des femmes d’une pleine participation à l’économie ». Quant aux disparités salariales, même si des progrès ont été réalisés, elles perdurent partout, y compris en Europe.
Egalité femmes-hommes : où en est l’Union européenne ?
L’égalité des genres est l’une des priorités d’Ursula von der Leyen. Mais où en est-on dans les 27 pays de l’Union ? Au travail comme à la maison, l’égalité reste encore à atteindre. En 2022, les Etats membres ont obtenu une note moyenne de seulement 68,6 sur 100 en termes d’indice d’égalité de genre. Les inégalités sont notamment notoires en matière de rémunération. En 2021, les femmes gagnaient en moyenne 12,7 % de moins que les hommes dans l’UE, d’après Eurostat. Le taux d’emploi des femmes (66,1 %) reste également inférieur de plus de 10 points par rapport à celui des hommes et les femmes ont très souvent des postes à temps partiel. Les hommes eux occupent davantage de postes à responsabilité. Mais les choses devraient s’améliorer dans les années à venir, car depuis novembre 2022, une directive européenne fixe à 33 % les quotas de femmes à mettre en place, d’ici à juillet 2026, dans les conseils d’administration des grandes sociétés. Au niveau politique aussi, les inégalités demeurent et l’UE ne compte que 10 cheffes d’Etat et de gouvernement sur 27.
Les Européennes, comme les autres femmes du monde, sont aussi bien plus souvent victimes de violences physiques et sexuelles que les hommes.
Et la France dans tout ça ?
Depuis 1946, l’article 3 du préambule de la Constitution pose le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes : « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Pourtant, cette égalité peine à se concrétiser dans les faits et les chiffres sont même accablants. L’écart de revenus (salaires, retraites, capital), est de l’ordre de 25 à 28 %. Dans le secteur privé, les femmes gagnent 16,8 % de moins que les hommes, en équivalent temps plein. Même à poste égal, elles sont moins bien payées et ont deux fois moins de chances d’accéder aux 3 % des emplois les mieux rémunérés que leurs homologues masculins, note l’INSEE. Les femmes sont en revanche majoritaires dans les métiers peu valorisés : assistantes maternelles, aides-soignantes, employées de maison, etc. et elles occupent 82 % des emplois à temps partiel.
Les femmes françaises continuent également d’assurer très majoritairement les tâches domestiques et familiales, y compris pendant les vacances comme le révèle une récente enquête Ifop. Cette répartition inégale des tâches ménagères impacte directement l’entrée des femmes sur le marché du travail, mais aussi l’évolution de leur carrière. « Ne débarrassez pas la table, à moins que les hommes ne se lèvent pour le faire aussi », conseillait Coco Chanel. Une consigne à suivre !
L’affaire de tous
Ces inégalités trouvent leur racine dans les préjugés et les rôles sociaux stéréotypés assignés aux femmes et aux hommes. Les réduire est devenu une des préoccupations majeures du gouvernement qui entend mener une action autour de quatre axes : prévenir les stéréotypes ; promouvoir l’égalité et la mixité professionnelles ; lutter contre les violences faites aux femmes ; garantir l’accès à une information fiable dans les domaines de la santé sexuelle et de la sexualité.
La route est encore longue
On le voit, partout dans le monde, en dépit d’indéniables avancées, l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être acquise et ne semble pas pour demain. Les inégalités hommes-femmes sont toujours d’actualité dans tous les secteurs : politique, économie, sport, culture… Partout les positions les plus prestigieuses et les meilleures rémunérations sont réservées aux hommes.
Beaucoup d’actions sont entreprises par les gouvernements, les mouvements féministes ou les ONG, mais elles restent insuffisantes face à l’ampleur et la gravité de la situation. Pour aller plus loin, « nous devons commencer par modifier notre conception du rôle des femmes dans la société », alerte l’OIT. Et « tout commence dès l’enfance, par l’éducation, la sensibilisation et la garantie d’un accès égal aux possibilités éducatives des filles et des garçons ». Il s’agit donc avant toute chose d’agir sur les mentalités, car des clichés sexistes restent malheureusement profondément ancrés et il faut en sortir. C’est d’autant plus important que, toujours selon l’OIT, « la parité au travail pourrait augmenter le PIB mondial de 3,9 % ».
« L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain », disait déjà Stendhal. Un défi à penser tous ensemble et dont nous débattrons le 29 août prochain lors de la table ronde #WomanPower. Le jour où la journée internationale du droit des femmes n’existera plus…