12H20-13H10 : Renaissance – Réarmement industriel. Oui, mais comment ?

Deuxièmee demi-journée : mardi 30 août

Au cours des vingt dernières années, la France s’est désindustrialisée, a délocalisé et étendu ses chaînes de valeur. Avec une pénurie de produits sanitaires et une dépendance de plus en plus marquée vis-à-vis de la Chine, la crise sanitaire du Covid-19 a révélé un peu plus la vulnérabilité d’une France sans usines et la nécessité d’une souveraineté industrielle. Avec à peine plus de 13 % de la population active, contre 25,5 % pour l’Allemagne et 19,7 % pour l’Italie, et une contribution de seulement 14 % dans le PIB (32 % en Allemagne), l’industrie française a connu un déclin presque constant. 2 emplois sur 3 dans le secteur industriel français sont délocalisés (52 % au Royaume Uni, 38 % outre Rhin). Pour regagner son indépendance stratégique, de quels leviers la France dispose-t-elle ?

La crise sanitaire a en effet mis en lumière la dépendance de la France aux importations de biens essentiels et s’est également manifestée par des problèmes d’approvisionnement dans les entreprises fortement dépendantes des intrants étrangers. Certains secteurs, très dépendants des importations chinoises, comme la filière électronique, se sont ainsi retrouvés en situation de quasi-arrêt dès mars 2020. Du coup, la crise sanitaire a replacé la question de la souveraineté industrielle au cœur du débat et le gouvernement ne jure depuis que par la reconquête de cette souveraineté et encourage les relocalisations d’activités stratégiques, qui, seules, permettront de faire face à un nouveau défi sanitaire ou à un conflit majeur. La crise russo-ukrainienne et les tensions géopolitiques qu’elle engendre ne font que corroborer cette urgente nécessité. La division des processus productifs, née de la mondialisation a certes des avantages en termes de compétitivité, mais elle ne fait qu’accroître notre dépendance vis-à-vis de l’étranger, et notamment de la Chine, en ce qui concerne les biens manufacturés.

Pour un pays, « la souveraineté industrielle suppose de pouvoir satisfaire certains besoins essentiels sans dépendre de la bienveillance ou de la volonté d’un autre État ». Dans l’actuel contexte de guerre commerciale sino-américaine et de sanctions punitives vis-à-vis d’autres pays, notre souveraineté devient donc de plus en plus cruciale, notamment en ce qui concerne les biens stratégiques, comme l’énergie, l’agro-alimentaire, les télécommunications, l’industrie pharmaceutique, etc.

Avoir enfin pris conscience de la nécessité de retrouver notre souveraineté industrielle c’est très bien, mais il n’est pas question de réindustrialiser en se fondant sur les modèles d’il y a cinquante ans. La réindustrialisation doit se faire aux meilleurs standards, afin d’assurer des prix compétitifs. Comment faire quand, pendant plus de trente ans, on a accumulé un retard technologique immense face à nos principaux concurrents étrangers ? La France et l’Union européenne accusent par exemple un retard important vis-à-vis des États-Unis et de plusieurs pays asiatiques dans le domaine du numérique, les industries du cloud et des semi-conducteurs. Comment combler ces retards ? Faut-il encourager les investissements des leaders mondiaux sur notre sol ou tout mettre en œuvre pour faire émerger nos propres champions ? Et combien de temps cela prendra-t-il ?

La souveraineté industrielle ne peut en fait être pensée que dans un système complexe, où les réalités du commerce international et le retard technologique n’offrent pas toujours la possibilité de reconstituer une offre productive viable à court ou moyen terme. Les pouvoirs publics devront donc mettre en œuvre des stratégies de résilience sur-mesure. Pour Elie Cohen, notre souveraineté industrielle passe par la combinaison de trois politiques : relocalisation dans certains cas critiques, diversité d’approvisionnement pour réduire les situations de monopole, et constitution de stocks plus importants pour éviter les pénuries brutales.

Dans le cadre du plan de relance pour faire face à la crise du Covid-19, 1 milliard d’euros est dédié aux (re)localisations, dont 600 millions visent à sécuriser les approvisionnements et à relocaliser les activités stratégiques, en ciblant les secteurs de la santé, de l’agroalimentaire, des télécommunications, de l’électronique, des intrants industriels critiques, de l’automobile et de l’aéronautique. Au niveau européen, une dynamique a également été initiée pour favoriser l’autonomie stratégique dans certains secteurs clés. Si nous voulons rester dans le peloton de tête des régions qui comptent à l’échelle du monde, nous n’avons plus le droit de nous tromper. Emmanuel Macron a tracé la ligne directrice : « il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe. Cela passera par un plan massif pour notre santé, notre recherche ».

Comment réussir à relever ce défi, comment se donner collectivement les moyens de restaurer notre souveraineté et de faire à nouveau rayonner notre belle industrie, afin de retrouver des couleurs dans une économie mondialisée et très concurrentielle ? Quel rôle l’Union européenne est-elle appelée à jouer dans le renforcement de la résilience économique de ses États membres ? Réponse le 30 août, lors du débat « Renaissance – Réarmement industriel. Oui mais comment ? »