Née sur Internet et sur le réseau social Tik Tok en 2019, l’expression OK Boomer est devenue virale et synthétise le fossé qui s’est creusé entre les jeunes et les baby-boomers.

Pour les plus jeunes, les baby-boomers, devenus des papy-boomers, représentent une génération dorée. Ils ont connu le plein emploi, la croissance des Trente Glorieuses et ont pu gaspiller sans compter les ressources de la planète. Face à cette « génération sans pareille » – que l’historien Jean-François Sirinelli définit par « les 4 P » : paix, prospérité, plein-emploi, progrès – les plus jeunes se considèrent au contraire comme une génération sacrifiée, avec en prime le chômage, la précarité et surtout le soin de devoir gérer le réchauffement climatique et ses conséquences.

Le climat est en effet la première revendication des OK-boomers, et Greta Thunberg symbolise à elle seule ce « generation gap », en se heurtant trop souvent à la condescendance et à l’arrogance de ses ainées, qui lui reprochent son jeune âge et l’invitent à « retourner à l’école ». Pour Alain Finkielkraut, par exemple, elle n’est qu’une « enfant malléable et influençable, qui ne fait qu’exiger la grève des cours » (Sic). Si l’expression « OK Boomer ! » se crispe sur les enjeux écologiques, c’est sans doute parce que ce sujet met en lumière, plus que tout autre, le clivage entre deux rapports au monde.

« OK Boomer » est donc très vite devenu un « mème », le cri de ralliement de toute une génération se sentant incomprise, voire méprisée. Pour le New York Times, ce mème traduit en deux mots la fin des relations amicales entre les générations.

Dans un contexte économique plutôt morose, « OK Boomer » pointe en effet du doigt ces baby-boomers qui, en plus de ne pas vouloir prendre vraiment en compte les priorités écologiques, vont peser sur les systèmes de solidarité payés par les jeunes actifs.

Lassés des critiques récurrentes sur leur mode de vie, les plus jeunes entendent renvoyer la « génération dorée » à ses responsabilités.

Dans le sillage de la crise climatique, la crise du coronavirus est encore venue aggraver les choses et creuser le fossé entre les jeunes et leurs aînés. Les premiers considèrent en effet avoir été sacrifiés et confinés pour protéger la santé des plus âgés, et ils savent qu’une fois la crise passée, ce sera essentiellement à eux de payer la facture.

Bien sûr, les conflits entre générations ont toujours existé. Au Ier siècle avant J.-C., Horace affirmait déjà : « le jeune imberbe ne voit pas ce qui est important ». Mais le contexte socio-économique actuel les a exacerbés. Le problème, analyse le sociologue Serge Guérin, c’est que « dès qu’on ne comprend pas un phénomène de société, on le met sur le compte d’un clash générationnel. (…) Le discours médiatique confond l’époque et ses enjeux d’une part, et la notion de génération d’autre part ».

Pour certains, l’expression « OK Boomer » représente une forme de discrimination antivieux et participe à l’âgisme ambiant. Le magazine Newsweek est d’ailleurs entré de plain-pied dans ce conflit des générations, en affirmant que « si le monde se porte mieux que jamais, c’est grâce aux baby-boomers, la plus grande génération de l’Histoire ». Et de poursuivre : « chaque génération a ses problèmes existentiels. Vous pensez que la peste bubonique et le sida n’étaient pas des crises existentielles ? Ni Hitler ? Ou le communisme ? »

Il serait vain de nier qu’une divergence entre générations existe, portant à la fois sur des valeurs et sur des intérêts économiques, mais est-ce réellement de l’âgisme, rien n’est moins sûr. Plus que l’âge, ce qui est en cause semble plutôt être un modèle de société. Les grands enjeux du moment (climat, biodiversité, épuisement des ressources…) demandent de faire bouger les lignes, marquent des ruptures et ce que les jeunes reprochent à leurs ainés, c’est de rester arcboutés sur une vision dépassée du monde, et surtout de n’avoir jamais dû assumer les conséquences de leur mode de vie.

Mais ce conflit intergénérationnel est-il vraiment une fatalité ? Ne peut-on l’éviter ? Les entreprises ont sans aucun doute un rôle à jouer pour trouver des solutions et tracer des synergies. Nos sociétés ont besoin de l’expérience et de la solidité des plus âgés, comme de la créativité et de l’enthousiasme des plus jeunes. Les intervenants de la table ronde « OK Boomer ! » exploreront toutes les pistes à suivre pour dépasser les clivages.

Romain Gary disait : « le blanc et le noir, il y en a marre. Le gris, il n’y a que ça d’humain ». Reste à définir ces « cinquante nuances de gris », qui permettront de tenir compte de toute la diversité humaine et de réconcilier les générations.