Quels choix économiques pour la France ?

La France, comme la plupart des autres économies occidentales, traverse une période marquée par de profondes mutations économiques, sociales et écologiques. L’après-Covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, les tensions inflationnistes et la nécessité urgente de faire face au changement climatique bousculent les repères traditionnels de l’action publique. Dans ce contexte mouvant, quels choix économiques privilégier ? Comment maximiser la croissance tout en conciliant développement durable, cohésion sociale et souveraineté nationale ? Le pays est incontestablement à un tournant, dès lors, quels arbitrages s’imposent entre baisse des prélèvements, investissements d’avenir, financement de la protection sociale, renforcement de l’emploi et formation des jeunes ? Quelle stratégie adopter pour restaurer l’attractivité, soutenir l’innovation, moderniser l’appareil productif et bâtir un modèle soutenable, compétitif et équitable ?

Un contexte difficile

Les choix économiques pour la France dépendent incontestablement du contexte politique, social, environnemental et géopolitique actuel. En 2025, plusieurs défis majeurs se posent et les décisions économiques doivent pouvoir répondre à des objectifs souvent contradictoires : soutenir la croissance, lutter contre l’inflation, répondre à la crise écologique, maîtriser les finances publiques et la dette et réduire les inégalités. L’économie française est en effet confrontée à des déséquilibres structurels, qui limitent sa capacité d’action et que les gouvernements successifs n’ont pas su maîtriser : une dette publique abyssale, qui pèse sur les marges budgétaires, un déficit commercial élevé, symptôme de la désindustrialisation engagée depuis plusieurs décennies, un chômage qui reste élevé, en dépit de la baisse relative enregistrée ces dernières années, un coût du travail supérieur à celui de nos principaux concurrents, une fiscalité parmi les plus élevée du monde et des difficultés croissantes dans nos systèmes de protection sociale… Et au-delà de ces contraintes internes, la situation internationale n’arrange rien, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis et une Union européenne qui peine à s’imposer.

Politique de l’offre ou politique de la demande ?

Pour relever ces défis, les opinions divergent quant aux choix économiques à faire. Certains plaident pour une politique de l’offre afin de stimuler la compétitivité des entreprises. Cela passe par une baisse des impôts de production, une réforme du marché du travail et des incitations à l’investissement et à l’innovation. France 2030, dont les 10 objectifs s’articulent autour de trois enjeux : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde, et le Crédit d’impôt recherche vont dans ce sens. Cette stratégie parie sur un effet de ruissellement : en libérant les forces productives, la croissance créerait des emplois et augmenterait les recettes publiques. Toutefois, mal maîtrisée et sans compensation par des politiques sociales, une politique de l’offre risque d’accentuer les inégalités et d’entraîner la colère de la rue avec en corollaire, la montée des populismes. C’est pourquoi, à l’inverse, d’autres souhaitent au contraire une politique de la demande, afin de soutenir le pouvoir d’achat, qui reste une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Elle passe par une revalorisation du salaire minimum et une relance de la consommation inspirée des idées de Keynes. Mais une telle politique a pour risque majeur d’alourdir encore la dette et d’augmenter l’inflation.

Alors que choisir ? Sans oublier l’impératif incontournable de la transition écologique, qui impose à notre économie de se décarboner massivement et d’investir dans les énergies renouvelables, les transports propres, la rénovation thermique des bâtiments, l’agriculture durable. Tout cela avec un risque d’inacceptabilité sociale !

On le voit, face à la complexité des enjeux, le dilemme est immense pour le gouvernement. Les choix économiques de la France ne peuvent aujourd’hui se résumer à une opposition entre rigueur budgétaire et relance. Le contexte actuel impose de concilier croissance, équité et soutenabilité. Mais, comment faire ?

Concilier compétitivité, justice sociale et transition écologique

Aucune transition ne pourra réussir sans justice sociale. Si, a priori, relance de la compétitivité et cohésion sociale semblent deux objectifs contradictoires, des leviers existent cependant pour les rendre compatibles.

Le premier est un investissement dans le capital humain, avec une réforme du système éducatif pour permettre un accès égal à l’éducation et à la formation professionnelle, afin de former une main d’œuvre qualifiée qui permettra aux entreprises de relever les défis de la modernité et d’améliorer leur productivité. Soutien renforcé à l’apprentissage, écoles de la deuxième chance, passerelles entre les filières, renforcement du tutorat… les pistes ne manquent pas pour garantir une meilleure égalité des chances. Le deuxième levier consiste à repenser en profondeur la fiscalité pour la rendre plus équitable et plus intelligente. Le but est d’éviter que la baisse, indispensable, des impôts de production ne vienne creuser encore les inégalités et partant, nourrir la grogne sociale. L’objectif est de financer la protection sociale, sans freiner la croissance. Enfin, troisième levier, s’assurer que la transition écologique soit juste et ne laisse aucune catégorie sociale sur le bord du chemin.

Mais pour concilier tout cela, des arbitrages s’imposent dans le contexte actuel de ressources contraintes, là encore comment choisir ?

Quels arbitrages ?

Baisse des prélèvements, investissements d’avenir, financement de la protection sociale, renforcement de l’emploi et formation des jeunes…tous ces objectifs sont légitimes, mais concurrents à court terme. Le problème est donc un arbitrage budgétaire et politique pour tenter d’équilibrer ces impératifs, sans compromettre l’avenir, ni fracturer le présent. Loin d’être uniquement techniques, ces arbitrages traduisent des choix de société. Prenons, par exemple, la baisse des prélèvements obligatoires. La France est l’un des pays à la fiscalité la plus élevée  des pays de l’OCDE,. Cela pèse lourdement sur la compétitivité des entreprises et des baisses ciblées d’impôts de production s’imposent, si on veut pouvoir lutter à armes égales avec nos concurrents. Mais comment faire en sorte que cela ne réduise pas les ressources nécessaires pour financer la protection sociale ou l’investissement public ? Autre exemple, en matière de protection sociale – on sait combien les Français y sont attachés – faut-il réduire les dépenses ou simplement mieux les réorienter en faveur des populations les plus vulnérables ? En fait, il s’agit de hiérarchiser sans opposer et de mieux articuler croissance, solidarité et avenir. Certaines dépenses, comme l’investissement dans la jeunesse ou les infrastructures bas carbone, permettent précisément de créer de l’emploi tout en réduisant les inégalités et en améliorant la compétitivité. Il s’agit aussi d’engager les réformes nécessaires pour dégager de nouvelles marges de manœuvre. Mais pour être efficaces, tous ces arbitrages nécessitent un leadership politique fort, capable d’expliquer les choix, de les faire accepter par le plus grand nombre et d’instaurer un climat de confiance. Dans le contexte d’instabilité politique actuelle, plus facile à dire qu’à faire !

La croissance durable à laquelle la France aspire, ne pourra être atteinte sans une stratégie cohérente, intégrée et de long terme qui implique de sortir de l’opposition entre économie et écologie, entre compétitivité et solidarité, entre relance et rigueur. La France ne pourra restaurer son attractivité, innover, moderniser son appareil productif et garantir l’égalité des chances sans investir dans la jeunesse et l’innovation, sans soutenir une industrie propre, sans miser sur les territoires et sans renforcer l’Europe. C’est à cette condition qu’elle pourra s’imposer dans le monde de demain, sans renoncer à ses valeurs de justice sociale et de durabilité. Cela passe par une réindustrialisation verte, une réforme équitable des finances publiques, une redistribution juste et un pilotage stratégique à long terme. C’est à ce prix que la France pourra relever les défis du XXIe siècle et construire un nouveau modèle économique durable et solidaire. Les choix à venir sont donc éminemment politiques : ils impliquent de définir collectivement la société dans laquelle nous voulons vivre. Saurons-nous les faire ? Réponse le 28 août, lors du débat « Quels choix économiques pour la France ? »