Le pouvoir vert

Aujourd’hui, la protection de la planète n’est plus la spécificité des écologistes.  Etat, entreprise, société civile… tout le monde est concerné par la transition écologique, qui est désormais aussi une transition économique. En revanche, le « comment faire » divise. Les évolutions technologiques suffiront-elles à diminuer suffisamment nos émissions de CO2 ? Qu’en est-il de nos changements de comportements ? La transition écologique peut-elle se résumer à un problème de passage à l’acte ?  Autant de questions autour desquelles les débats font rage.

L’irrésistible ascension du pouvoir vert

Pas un jour ne se passe sans que les scientifiques n’alertent sur les dangers du dérèglement climatique. Une transition écologique doit donc s’opérer à tous les niveaux pour apporter une solution globale qui permette à la fois de réduire la pollution et de préserver les ressources, d’améliorer la santé, de réduire les déchets, de lutter contre la précarité énergétique et de relancer une croissance verte.

Plus personne ne conteste aujourd’hui l’importance d’agir pour sauver la planète. Dans l’ensemble du monde occidental, la montée en puissance de lobbies verts de mieux en mieux organisés oblige les gouvernements à agir. Aux Etats-Unis, où selon l’institut de sondage du Massachusetts, 14 % des Américains sont membres actifs d’organisations pour la défense de l’environnement, le « gorille vert » se montre partout capable de créer ou de faire annuler des lois ; en Europe des mouvements comme Greenpeace ou Friends of the Earth comptent des centaines de milliers de membres actifs et le monde des affaires constate partout que les revendications des Verts finissent par trouver un écho chez le législateur. Les consommateurs aussi se mettent de plus en plus au vert et les entreprises font de leur engagement en faveur de la transition écologique un argument concurrentiel. Au niveau politique, on assiste également à la montée en puissance de dirigeants écologistes, tant au niveau national qu’au niveau européen.

Réussir la transition écologique est donc devenu le défi du siècle, mais comment faire ? Comment jeter les bases d’autres modes de production et de consommation ? Comment prendre vraiment un tournant écologique au-delà des promesses et des vœux pieux ?

Le rôle de l’Europe

Lors de la dernière campagne des élections européennes, le « Green Deal », cet ensemble de politiques recouvrant la décarbonation de l’industrie, les énergies, la lutte contre le changement climatique, l’agriculture et l’alimentation et la protection de la biodiversité, décidé par la commission d’Ursula Von der Leyen, a été beaucoup critiqué, crise agricole aidant, mais il ne devrait toutefois pas être remis en cause lors de la prochaine législature. Il vise à rendre l’Europe neutre pour le climat d’ici à 2050, à stimuler l’économie grâce aux technologies vertes, à créer une industrie et des transports durables et à réduire la pollution. Il s’agit de transformer les défis climatiques et environnementaux en opportunités pour rendre la transition juste et inclusive pour tous.

La Commission européenne aide ainsi les États membres de l’UE à concevoir et à mettre en œuvre des réformes qui soutiennent la transition écologique et contribuent à réaliser les objectifs du pacte vert pour l’Europe. Tous les États membres doivent contribuer à cette transition. Toutefois, l’ampleur du défi n’est pas la même pour tous, certains Etats étant encore très dépendants des énergies fossiles. La Commission promet donc un accompagnement adapté pour une transition juste.

Le rôle de l’Etat : l’exemple français

La France porte un agenda ambitieux en matière de lutte contre le dérèglement climatique, avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, pour atteindre la neutralité climatique en 2050, et être l’un des premiers pays industrialisés à sortir des énergies fossiles.  « L’écologie à la française » repose sur la création d’un haut conseil pour le climat qui éclaire les décisions publiques ; sur la souveraineté énergétique visant à produire sur notre sol l’énergie que nous consommons et à remplacer les fossiles importés par le nucléaire et les énergies renouvelables ; sur une production verte pour l’agriculture et l’industrie ; sur un investissement dans les technologies du futur ; et sur une écologie juste avec des aides pour aider les plus modestes à s’adapter.

La loi climat et résilience du 22 août 2021 a pour objectif d’ancrer l’écologie dans le cœur de la société française et touche tous les domaines : création de RER métropolitains, interdiction de la vente de véhicules thermiques après 2035, interdiction des vols domestiques quand il est possible de prendre le train, rénovation des bâtiments privés et publics, etc.

Le gouvernement français s’est également fortement engagé pour la préservation de notre biodiversité, autre enjeu majeur de la transition écologique, pour la lutte contre la pollution plastique et pour la réduction de la consommation d’eau. Enfin, des mesures concrètes en faveur de l’économie circulaires ont été prises, comme l’interdiction de la destruction des invendus ou encore la fin de l’impression systématique des tickets de caisse et l’incitation à réparer ou à recycler les objets tels que les téléphones, les ordinateurs ou l’électroménager.

L’Etat français agit également au niveau international, car il revient aux pays les plus développés de montrer l’exemple. C’est dans cet esprit qu’ils se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir la transition climatique dans les pays les plus vulnérables. La France est à la hauteur de cet engagement, puisqu’elle mobilise plus de 6 milliards d’euros de finance climat par an. La France continue par ailleurs d’intensifier ses échanges avec les grands émergents comme la Chine et l’Inde sur les sujets environnementaux.  Elle s’engage aussi dans la protection de l’océan, espace qui souffre le plus du réchauffement climatique. C’est ainsi que notre pays accueillera en juin 2025 la 3ème conférence des Nations unies sur l’Océan.

Le rôle des citoyens

Et au niveau individuel, que peuvent faire les citoyens et comment encourager les changements de comportements ? Malgré la prise de conscience croissante de l’importance de la transition écologique, l’engagement citoyen semble s’éroder, notamment en France. Une récente enquête Ipsos montre que si en 2021, 75 % des Français pensaient que ne pas agir contre le changement climatique serait une dérogation à leurs devoirs envers les générations futures, cette préoccupation collective a chuté à 62 % en 2024 et 31 % des 25-35 ans estiment même qu’il est inutile de changer leur comportement quotidien, car cela n’aurait aucune incidence. Toujours selon cette enquête, il semble y avoir une déconnexion entre la réalité scientifique et la perception du public sur les actions les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone. Ainsi, seuls 12 % des Français identifient le fait de vivre sans voiture comme l’une des actions à l’impact le plus important. Il reste donc beaucoup à faire en termes d’information et de sensibilisation.

Pour encourager les citoyens à adopter des comportements plus vertueux, 36 % des Français plébiscitent les incitations financières, comme les réductions d’impôts sur les achats écoresponsables. Enfin, l’étude met en lumière l’importance de positiver le discours plutôt que de se concentrer sur les efforts et les sacrifices nécessaires. Associations, pouvoirs publics, médias, entreprises… tous ont un rôle à jouer pour mieux mobiliser le grand public.

Le rôle des technologies

Comment produire au service de l’environnement ? Quelles évolutions technologiques mettre en œuvre ? Deux procédés permettent de réduire les impacts environnementaux issus de la production, les technologies ajoutées (end of pipe) ou les technologies intégrées (cleaner production). Les premières, sont conçues pour réduire les émissions de substances nocives. Elles reposent sur des installations et des équipements conçus pour lutter contre la pollution et ne sont pas directement liées au processus de production. Les installations pour l’élimination des déchets, les stations d’épuration des eaux usées ou encore les absorbeurs acoustiques en sont des exemples types. Les secondes permettent directement des méthodes de production plus propres. Elles réduisent les effets négatifs sur l’environnement à la source, en substituant des technologies plus propres à des technologies moins propres ou en modifiant ces dernières. Leur mise en place est malheureusement souvent entravée par des problèmes de coûts ou d’inadéquation des compétences pour les mettre en œuvre.

Quoi qu’il en soi, les nouvelles technologies au service de l’environnement vont de pair avec le développement de nouveaux modèles économiques d’entreprise et le renforcement de logiques d’économie circulaire.

Pour les entreprises et pour les pays, développer massivement des technologies environnementales peut déboucher sur un avantage concurrentiel à l’échelle internationale. Par exemple, la Chine inonde aujourd’hui le marché mondial de ses panneaux photovoltaïques et détient le quasi-monopole de la production de batteries au lithium, indispensables aux véhicules électriques. Une récente étude de Rexecode précise par ailleurs qu’il faudra aux entreprises françaises investir 40 millions d’euros par an pour décarboner leur activité.

On le voit, si la transition écologique fait aujourd’hui l’objet d’un très large consensus, la façon de la mettre en œuvre, n’est pas envisagée de la même manière par tout le monde. D’un côté, les partisans de la décroissance incitent à privilégier des positions survivalistes pour faire face au changement climatique, de l’autre, les optimistes considèrent au contraire que l’on finira par s’adapter et par trouver des solutions, notamment grâce au progrès technique et que la transition écologique est porteuse d’opportunités pour l’emploi et pour la croissance. Qu’en est-il vraiment et comment vraiment passer à l’action à tous les niveaux pour relever ce défi du siècle ? Réponse le 26 août prochain lors du débat « Le pouvoir vert, le pouvoir de faire ».