Métro, boulot, dodo… ciao ?
« La vie n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie » déclarait Sénèque. La Covid-19, avec toutes les adaptations qu’elle a nécessité dans tous les domaines, illustre bien ce propos. Si on mesure encore mal la puissance de la déflagration sur le plan macroéconomique, la Covid-19 a aussi bousculé en profondeur notre regard sur le monde du travail et sur nos habitudes.
A la faveur du confinement, le télétravail qui ne faisait jusque-là qu’une percée timide en France, et essentiellement de façon occasionnelle, est devenu pour beaucoup d’entreprises, la seule solution pour continuer de fonctionner tout en évitant la propagation du virus. Et il s’est révélé efficace. Les salariés ne perdaient pas en productivité, bien au contraire. Aujourd’hui ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à plébisciter ce mode de fonctionnement, facilité par la digitalisation. De très nombreuses entreprises ont pu découvrir et expérimenter cette nouvelle méthode de travail et même les entreprises les plus réfractaires s’y mettent. Bien sûr la transition n’a pas toujours été facile tant pour les employeurs que pour les salariés, tant elle a été soudaine. Moins de temps perdu dans les transports, un meilleur équilibre vie-professionnelle-vie-privée, moins de stress… les avantages perçus par les télétravailleurs sont nombreux, même si d’autres dénoncent au contraire l’isolement et la rupture du lien social.
Le télétravail et les nouvelles façons de travailler impliquent bien entendu d’autres modes de management et une culture d’entreprise agile pour continuer d’accompagner et de fédérer les équipes. Un management qui repose essentiellement sur la confiance et demande de passer « d’une culture de présentéisme à une culture du résultat ». Comme le disait Aristote, « l’Homme est un animal social » et le maintien du lien social est de ce fait essentiel. La vidéo a là un rôle essentiel à jouer car, même à distance, elle permet de rester connecté. Elle est désormais devenue un incontournable, le succès d’applications comme Zoom en témoigne.
Les entreprises sont toutefois unanimes pour reconnaître, comme l’a souligné Geoffroy Roux de Bézieux, que « le télétravail n’est pas la panacée », d’autant qu’il ne peut être une solution pour nombre de secteurs.
Autres éléments remis en cause : les espaces de travail flexibles et ouverts, comme les open-space, de plus en plus contestés d’ailleurs, tout comme les réunions en présentiel, car comment y respecter les gestes barrière ?
Les nouvelles méthodes de travail posent par ailleurs des questions en termes de métropolisation et de conséquences sur l’immobilier, les salariés ayant découvert qu’il y avait une vie de travail possible en dehors des centres urbains. Comme l’a déclaré Tobi Lutke, le CEO de Shopify, « office centricity is over ». Alors va-t-on vraiment aller vers le zéro bureau à l’heure où l’immobilier d’entreprise n’est déjà pas florissant ? Rien n’est moins sûr. Et c’est plus le rôle du bureau qui est remis en cause que son existence.
La crise de la Covid-19 aura également révélé une forte attente des salariés vis-à-vis des entreprises en termes de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Partout sont revendiqués une quête de sens au travail et une « raison d’être ».
Bref, la crise sanitaire et les mesures qu’elle implique pour garantir la sécurité des salariés accélère les mutations. Le travail est questionné sous tous les angles et la manière dont nous travaillerons demain est au centre des préoccupations. Mais que restera-t-il in fine de l’ère Covid-19 ? Il est encore difficile de prédire l’avenir à l’heure où une deuxième vague menace et d’affirmer avec certitude à quoi ressemblera le travail de demain. Les innovations nées de l’urgence seront-elles pérennes, d’autres sont-elles à imaginer ? Quant au célèbre triptyque métro-boulot-dodo va-t-il devenir seulement boulot-dodo ? Réponse le 27 août à l’occasion du débat consacré à ce thème.