Clarisse Cremer

Clarisse Crémer

Navigatrice professionnelle
Participe au débat “Nouvelles frontières – De la mer à la lune…et au-delà” – mardi 30 août de 15h00 à 16h00

A 29 ans, Clarisse Crémer, navigatrice et entrepreneuse, fait son entrée dans le Team Banque Populaire. Pour s’aligner dans les meilleures conditions au départ de la prochaine édition du Vendée Globe, elle sera accompagnée par le dernier vainqueur du Vendée Globe, Armel Le Cléac’h. Portrait.

Au départ, c’est une autoroute

Clarisse Crémer, née dans une famille parisienne à l’esprit d’entreprise, en suit les codes, avec plaisir, sans contraintes. De bonnes études qui lui garantissent une prépa HEC d’élite, suivies d’une intégration attendue dans la plus grande école de commerce française. Dans la vie de l’étudiante, la voile est jusqu’alors un « passe-temps de parisienne en vacances » : étés à Carnac, stages au yacht-club, première régate lors du trophée des lycées. A Paris, le cursus sportif, athlétisme (saut en longueur, 200 m et demi-fond l’hiver) suit une trajectoire toute aussi classique.

C’est sur les bancs d’HEC que la passion se renforce, que l’expérience se tisse : soutenue par les entreprises – sponsors de l’école qui dispose d’un beau programme de régates, Clarisse Crémer multiplie les sorties en mer, accumule les milles en s’amusant : « entre les courses et les convoyages, je passais plus de temps sur l’eau que sur les bancs de l’école… »

Entre les courses et les convoyages, je passais plus de temps sur l’eau que sur les bancs de l’école…

L’air de rien, le bagage s’emmagasine. On retrouve Clarisse Crémer sur un Far 30 en 2010 lors du Tour de France à la voile. A force de trainer sur les bateaux, elle y rencontre Tanguy Le Turquais son futur compagnon, skipper de Lorient. « A partir de 2011, j’ai suivi ses deux projets de mini-transat 2013 et 2015. Sans un sou, avec les moyens du bord, j’ai fait l’apprentissage du système D ! »

L’autoroute devient d’un coup moins rectiligne. Clarisse Crémer est alors une jeune start-uppeuse qui a fondé Kazaden.com – site de réservation en ligne d’activités et séjours outdoor d’exception – avec son grand frère en 2013. La semaine parisienne se flanque de week-ends bretons. Incessants, usants aller-retours quand on travaille 15 heures/ jour et que ce n’est jamais fini.

Itinéraire bis

La bifurcation comme une évidence, rapide. En deux mois, Clarisse Crémer prend la première grande décision de sa vie et un aller sans retour pour la Bretagne. « Jusqu’alors, j’avais suivi la voie, toute tracée… Sans vraiment prendre le temps de réfléchir à mes envies profondes. » Pas juste le ras-le-bol du métro parisien, plus que ça : l’envie de reprendre la barre d’une existence rêvée, de mettre son énergie dans la bonne direction, pour savoir où elle en serait dans 5 ans…

Dans cette rude expérience de start-up, Clarisse Crémer s’est confrontée au travail acharné, aux incertitudes, s’est forgé un peu plus de mental. « Au fil du temps, j’avais de plus en plus de mal à donner le change, j’ai réalisé que j’avais envie d’être authentique tous les jours. »

C’est clair, quand Clarisse Crémer se projette, elle se voit vivre près de la mer, mieux, sur la mer. La mini-transat – dont elle connaît grâce à Tanguy les contours – en ligne de mire.

Elle arrive le 16 novembre 2017 sur les pontons du Marin (Martinique). Partie de La Rochelle 25 jours plus tôt, la voici deuxième de la mini. Un exploit. « En janvier, j’étais un peu paumée sur mon bateau, trois semaines plus tard, je le connaissais par cœur, c’était devenu un prolongement de moi-même. Cette mini m’a tant fait découvrir de moi-même, la première partie vécue comme une aventure de passionnée, la seconde post-Canaries, dans la peau d’une compétitrice. » Jamais Clarisse Crémer n’avait connu tant de bonheurs répétés en mer, tant de galères. Dans son élément, définitivement.

Un jour de novembre 2018

Et voilà, en novembre dernier, un appel de Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire. Mini-transat / Vendée Globe : un monde, un gouffre. « 6,50 / Imoca : ce n’est plus une autoroute, ni un itinéraire bis : c’est une propulsion dans la stratosphère, une autre planète ». Clarisse Crémer s’étonne : pourquoi elle ? Parce que le Team Banque Populaire cherche, lui explique-t-on, un jeune de moins de 30 ans pour l’accompagner dans sa progression. Elle se sent moins légitime que d’autres, humble, elle met tout ce qu’elle ne sait pas faire sur la table. Mais les valeurs et l’attitude de la jeune skippeuse ont transpiré au dehors. Elle intègre vite. Elle est réactive. A l’écoute. Clarisse Crémer connait aussi ses atouts, et sait que ses valeurs d’étudiante et de jeune entrepreneure collent au défi, qu’on peut lui faire confiance sur sa capacité à apprendre et appliquer avec sérieux ce qu’elle aura emmagasiné tant au point de vue technique que stratégique. Elle fait les choses à fond, sait oser, aime apprendre, est à tel point avide de connaissances qu’en championne des tableaux Excel, elle se fait des fiches sur les foils et la mécanique des fluides le dimanche matin.

« Chaque molécule de mon corps et de mon esprit va se mobiliser dans ce défi. Cela me fait peur autant que cela m’excite. Mais je sais que je ne lâche jamais. A terre, je suis la petite blonde sympa, mais mes amis, sur un bateau me surnomment « la machine ». Son casier est quasi-vierge en Imoca ? Mais ne l’était il pas aussi quand elle est arrivée sur la Mini ? « Je n’ai qu’une seule vraie navigation sur ce genre de bateau, elle date de septembre 2018. J’ai participé en tant que Media Woman au Défi Azimut. Certes, je mesure la différence entre ces deux types de bateau, mais pour la première fois, j’ai pu me projeter. »

Avant et après avoir dit oui à Ronan Lucas, Clarisse Crémer avoue avoir connu des nuits agitées. « Je me refaisais le film des accidents dans les mers du Sud, les Yann Elies, les Thierry Dubois… Pour avoir vécu des moments terribles, faim, froid et solitude, sur la mini-transat, je peine à imaginer ce qui m’attend sur un Vendée : ce sera sans commune mesure, exponentielle. »

2019

Les entraînements débutent fin juillet avec Armel Le Cléac’h, dernier vainqueur du Vendée Globe, pour former le duo de la Transat Jacques Vabre 2019 à bord du Monocoque Banque Populaire X (ex-SMA). Les débuts ne sont pas faciles à bord de cette machine exigeante mais Clarisse Crémer apprend vite. Pour leur première course en duo, Clarisse et Armel terminent 3e de la Rolex Fastnet Race, un résultat prometteur. Le duo mixte s’engage sur la Transat Jacques Vabre avec confiance et c’est à une probante 6e place (sur 29 bateaux au départ) qu’ils bouclent l’épreuve à Salvador de Bahia, terminant au passage premier des Imoca à dérives droites.

« Ça ne pouvait pas mieux se passer pour une première transat ! », se réjouit alors Clarisse qui se prépare déjà à un nouveau grand défi : convoyer seule son Imoca entre le Brésil et Lorient. Après un peu plus de deux semaines de mer, la jeune femme arrive en Bretagne. « Je me suis améliorée dans tous les domaines ! Surtout, je me suis rendue compte que j’étais capable de mener le bateau. Désormais, je vais pouvoir davantage oser sur l’eau », explique-t-elle.

2020

2020 devait être une année haute en couleur. Une mise à l’eau en mars puis deux transatlantiques, des entraînements intensifs avant une parenthèse au Japon afin de soutenir l’équipe de France de voile olympique à Tokyo. L’épidémie de COVID-19 a bousculé les plans.

En janvier et février des aménagements techniques sont faits sur le Mono Banque Populaire X après son retour de la Transat Jacques Vabre afin que le bateau soit le plus ergonomique possible pour elle. En mars et avril, Clarisse Crémer doit continuer de s’entraîner et de progresser pour être prête pour le Vendée Globe mais … à la maison ! « Ça a été un confinement studieux. J’ai pris le temps d’étudier certains aspects : la préparation physique et l’étude des fichiers météo » confie Clarisse Crémer.

En mai, elle retrouve enfin le goût de la mer, des longues navigations en « faux solo » et prend confiance en solitaire. Après deux long mois de confinement et un début d’année chamboulé, elle retrouve donc son bel Imoca et les automatismes reviennent vite. Le 4 juillet, elle prend le départ de la Vendée1-Arctique-Les Sables d’Olonne. Après dix jours d’une course intense, elle termine le parcours en 12e position. « J’ai montré que j’étais capable de bien mener mon bateau, que j’avais plus de réflexes. Pourtant, au début, j’étais vraiment stressée et concentrée sur chaque manœuvre. Et progressivement, les incertitudes et les inquiétudes se sont transformées en plaisir », déclare-t-elle à l’arrivée. C’est avec davantage d’aisance et de confiance, mais aussi avec humilité, que Clarisse Crémer aborde le Vendée Globe, un défi hors-norme mais à la portée de cette battante.

Le 8 novembre 2020, Clarisse prend le départ du Vendée Globe à bord du Mono Banque Populaire X pour son tout premier tour du monde en solitaire. Elle découvre les mers du Sud, les 3 grands caps mais aussi acquiert une expérience sur le terrain : « Ce qui me fascine en course au large, c’est la richesse que cela offre en matière d’expérience. Plus on navigue, plus on s’améliore, plus on s’enrichit, plus on peut tirer des conclusions pour progresser. J’ai l’impression de m’améliorer de jour en jour ». Elle dit avec fierté « avoir gagné ses galons de marin ». Le 3 février 2021 à 16h44 (HF), au terme de 87 jours 2 heures 24 minutes et 25 secondes Clarisse Crémer franchi la ligne d’arrivée à la 12eme place et 1ere femme. Surtout, Clarisse Crémer a démontré un sacré courage malgré les difficultés, cinq ans après avoir découvert la course au large et deux ans après ses premiers bords en Imoca.

2021

Banque Populaire et Clarisse Crémer poursuivent leur aventure avec une nouvelle ambition à bord d’un bateau à foils de génération 2020 – l’actuel “Apivia” – pour le Vendée Globe 2024. Clarisse Crémer a commencé son apprentissage à bord de son futur bateau en participant au convoyage retour la dernière Transat Jacques Vabre !