Discriminations : comment faire tomber les stéréotypes ?

« Ce ne sont pas les différences qui gênent le fonctionnement d’un groupe mais la rigidité de certains de ses membres » disait Einstein. Une pensée à méditer à l’heure où nos sociétés se déchirent.

De #MeToo, aux mouvements LGBT en passant par la mobilisation Black Lives Matter suite à la mort de George Floyd ou, plus près de nous, les marches pour Adama Traoré… partout dans le monde, les foules se soulèvent pour dénoncer le racisme, le harcèlement et les discriminations.

La France, pays des Droits de l’homme, n’échappe hélas pas aux discriminations, loin s’en faut. Elle serait même l’un des pays d’Europe où les discriminations sont les plus importantes selon le Conseil d’analyse économique. Le dernier rapport de Jacques Toubon, Défenseur des droits, présenté juste avant qu’il ne quitte son poste, fait le même constat. Selon ce rapport intitulé ‘Discriminations et origines : l’urgence d’agir’, « au fil des années, les discriminations liées à l’origine, loin de diminuer, persistent et se manifestent dans tous les aspects de la vie quotidienne. Elles sont reconnues comme telles mais demeurent orphelines de politique publique volontariste et ambitieuse pour les prévenir et les combattre ».

Si la police est particulièrement montrée du doigt, les entreprises, sont, elles-aussi, concernées car, comme le montre un baromètre de l’Organisation internationale du Travail, le monde du travail est un terrain de discrimination et de racisme important. Et même si depuis 2018, la peur des Français d’être discriminés au travail a diminué, elle n’a pas disparu. Quelque 34 % de la population active française auraient ainsi été victimes ou témoins de discriminations au cours des cinq dernières années. « La France ressort comme un des pays où les chances d’être rappelé par un employeur lorsqu’on a un nom à consonance africaine ou maghrébine sont parmi les plus faibles », déplore Stéphane Carcillo de l’OCDE.

Mais que signifie exactement discriminer et quelles formes prennent les discriminations en entreprise ? Une discrimination est définie par une inégalité de traitement fondée sur un des seize critères retenus par la loi : l’âge, le sexe, l’origine, la situation de famille, l’orientation sexuelle, les mœurs, les caractéristiques génétiques, l’appartenance à une ethnie, une race, ou une religion déterminée, l’apparence physique, le handicap, l’état de santé, l’état de grossesse, le patronyme, les opinions politiques, les convictions religieuses, les activités syndicales.

Dans l’entreprise, la discrimination dépasse donc le racisme et peut prendre des formes multiples. Elle s’exerce non seulement à l’embauche mais tout au long de la carrière : 33 % des personnes non blanches déclarent avoir subi des attitudes racistes, 23 % des femmes avoir subi un comportement sexiste, 24 % des personnes LGBT avoir été victimes d’attitudes hostiles et 15 % des personnes handicapées ont rapporté des propos « handiphobes ». Sans parler des discriminations liées à l’apparence physique ou vestimentaire. L’apparence physique serait même le 2ème critère de discrimination cité par les demandeurs d’emploi, selon l’OIT.

Les pratiques discriminatoires peuvent être directes ou indirectes. Si la discrimination directe est relativement facile à déceler, il n’en va pas de même de la discrimination indirecte, plus subtile, qui se réfère à des pratiques apparemment neutres mais qui ont pour résultat de traiter les personnes de façon inégale en fonction de certaines caractéristiques. Dans son rapport, Jacques Toubon reproche d’ailleurs aux tribunaux de se montrer « trop rétifs à reconnaître les discriminations indirectes ou les biais discriminatoires ».

Pourtant la diversité s’est révélée être un important levier de performance pour les sociétés et, comme l’a déclaré Manuel Valls en 2016, « la force de notre pays c’est sa diversité, son métissage, son amour pour ses valeurs qui restent profondément universelles ».

Alors, comment lutter contre les discriminations ? Il s’agit indubitablement d’un travail de longue haleine, qui implique à la fois le législateur et les entreprises.

Certes, la France dispose d’ores et déjà d’un arsenal juridique important pour lutter contre ce fléau, puisque la discrimination est un délit pénal passible de sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende. En outre, depuis janvier 2017, suite à la loi Egalité et Citoyenneté, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les personnes en charge du recrutement doivent se former à la non-discrimination au travail tous les 5 ans. En mai dernier, Emmanuel Macron a également annoncé que les 120 plus grandes entreprises françaises seraient soumises à des « testing » pour détecter les cas de discrimination à l’embauche dans les trois ans. Quarante entreprises seront ainsi testées tous les ans.

Mais visiblement cela ne suffit pas. Si la solution miracle n’existe pas, les entreprises ont toutefois un rôle fondamental à jouer.

Après les manifestations Black Lives Matter, de très nombreuses entreprises et organisations se sont clairement engagées contre le racisme. Twitter a ainsi déclaré le « Juneteenth » comme jour férié ; Adidas a annoncé qu’il allait porter à 20 millions de dollars les montants consacrés à des programmes de soutien de la communauté noire ; L’Oréal va supprimer les mots « blanc », « blanchissant » et « clair » de ses produits de beauté ; un fabricant danois de glaces a décidé de rebaptiser ses produits tout comme Nivea… et jusqu’à la Nasa qui a décidé de ne plus utiliser le terme « jumeaux siamois » pour désigner deux galaxies.

Mais au-delà de cette « politique du symbole », les entreprises disposent aussi de toute une panoplie d’outils qu’elles peuvent mettre en œuvre. Charte de la diversité, CV anonyme, référent diversité, formation spécifique du personnel RH, communication interne, auto-évaluation, quotas, voire outils de recrutement utilisant l’intelligence artificielle.

La table ronde « Touche pas à mon poste » sera l’occasion de faire le point et de rappeler, comme le disait Monseigneur Desmond Tutu, que « nous sommes différents afin de comprendre que nous avons besoin les uns des autres ».