« Il n’est nul besoin d’aimer le monde qui vient pour le voir venir », écrivait Chateaubriand. Mais dans le contexte actuel, voit-on vraiment venir le monde de demain ? A l’heure où le souverainisme et le patriotisme économique reviennent en force dans le débat public, à quoi ressemblera-t-il vraiment ?
La crise sanitaire, qui affecte toutes les régions du globe semble avoir marqué un tournant majeur dans les relations internationales. Elle accentue notamment la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, à telle enseigne que nombre d’analystes parlent aujourd’hui de nouvelle guerre froide entre l’aigle américain et le dragon chinois. Ainsi, pour Gérard Araud, « entre la Chine et les Etats-Unis, la confrontation est en effet inéluctable ».
Les Etats-Unis, en proie à une crise sans précédent, se replient sur eux-mêmes, l’Union européenne cherche à mettre en place une solution commune à la crise… et pendant ce temps-là la Chine de XI Jinping semble continuer d’avancer ses pions et de multiplier les alliances pour tenter d’imposer son système en tant qu’alternative au capitalisme. A preuve, le projet de « Nouvelles routes de la soie » dans les pays avec lesquels la Chine a une frontière et qui font que l ’Empire du milieu est désormais le premier partenaire commercial et le premier investisseur en Asie du Sud-Est.
Pour autant, si, comme le dit Thomas Gomart, le directeur de l’Institut français des relations internationales, la pandémie est « un court-circuit durable de la mondialisation » signe-telle vraiment la fin de la suprématie américaine au profit de la Chine ?
Rien n’est moins sûr et il convient de replacer les chiffres dans leur contexte. Le PIB par tête est de 9 000 dollars en Chine contre 63 000 aux Etats-Unis. Même sur le plan régional la Chine doit composer avec d’autres géants, Inde et Japon en tête. Qui plus est, avec sa gestion opaque de la crise de la Covid-19, elle doit désormais faire face à une crise de conscience, sans compter des objectifs de croissance sérieusement revus à la baisse.
Nous sommes incontestablement entrés dans une sérieuse zone de turbulences. Si ni la Chine, ni les Etats-Unis ne semblent pour le moment pouvoir prétendre à l’hégémonie, que peut de son côté faire l’Europe, ébranlée par le Brexit et la pandémie, quel rôle sera le sien sur le futur échiquier géopolitique ? La Covid-19 mettra-t-elle fin au rêve d’une Europe puissante, ou suscitera-t-elle au contraire un vrai sursaut européen ?
La nouvelle présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen a clairement déclaré son intention de créer une « Commission géopolitique » pour se préparer aux défis de demain.
Jusqu’ici les outils de prédilection de l’Union étaient les accords commerciaux et les partenariats bilatéraux. Dans un monde post-pandémique, cela ne sera sans doute plus suffisant. Comme l’a récemment écrit Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères : « le monde de demain est déjà là et une Europe plus forte pourrait aider à trouver les solutions ». Mais comment ?
Un des pères fondateurs de l’Europe, Robert Schuman écrivait que « L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle ». Régis Debray le rejoint sur ce point, pour qui, « le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel ». L’Union européenne saura-t-elle mobiliser ce soft power autour notamment des savoirs, de l’éducation et de la jeunesse ?
In fine, qui seront les gagnants et les perdants de ce monde futur et comment relancer la gouvernance mondiale ? C’est de tout cela dont vont débattre les intervenants de la table-ronde « La nouvelle guerre des mondes », le 26 août prochain.
Plénière « La nouvelle guerre des mondes » – mercredi 26 août de 18h15 à 19h15