Défiance envers les autorités, peur du progrès, doute envers les discours des scientifiques et des experts, sentiment de manipulation, recherche de boucs émissaires… les fake news prolifèrent. Si le vocable est nouveau, le phénomène lui ne date pas d’hier, « Madame, la monarchie est sauvée » déclarait déjà Mirabeau à Marie-Antoinette en 1790, sans en penser un mot ! La pandémie de Covid-19 n’a fait que l’exacerber et avec lui le complotisme. En ce domaine, les Français n’ont d’ailleurs rien à envier aux Américains. « La terre est plate », « les vaccins tuent », « le réchauffement climatique n’existe pas », « le virus a été inventé pour détruire l’humanité » … les délires obscurantistes sont légion et tous ont pour caisse de résonnance Internet et les réseaux sociaux. Alors comment lutter et comment réhabiliter la science et le progrès ?

Rumeurs et informations fausses existent depuis l’Antiquité, le plus souvent liées à des peurs collectives. Le phénomène des fake news est quant à lui apparu plus récemment avec l’essor des nouveaux médias. Le dictionnaire Collins l’a inscrit dans son thésaurus en 2017. Avec ces fake news, nous serions « entrés dans une ère de post-vérité où faits et mensonges se confondent ». Dans le contexte actuel de controverses scientifiques, de rivalités entre médecins, de débats complexes et d’erreurs de communication face à un phénomène totalement nouveau qui a déboussolé toute la planète, difficile pour certains de faire la part des choses, de détecter les fausses informations et de conserver un esprit critique ; comment s’étonner que le phénomène s’emballe. Pour reprendre les mots du directeur général de l’OMS, la pandémie de Covid-19 se double d’une « infodémie » de fausses informations et de théories complotistes. Le documentaire Hold up en est l’une des dernières illustrations.

Mais comment en est-on arrivé là ? A la source de cette « infodémie », on trouve à la fois la crise de confiance généralisée vis-à-vis de la science et des sachants, suite à des polémiques comme le débat autour de l’hydroxychloroquine par exemple, la perte de crédibilité et de légitimité des élites, et l’inflation d’informations erronées, insuffisamment vérifiées, ou transmises par erreur, qui envahissent le Net et les réseaux sociaux ainsi transformés en accélérateurs de mensonges à la disposition du grand public. Prolongement de pratiques héritées du passé, les fake news sont désormais inséparables du paysage médiatique actuel où la défiance est de rigueur.

Comment lutter ?

Quelles sont alors les solutions contre fake news et complotisme ? Qu’on ne s’y trompe surtout pas, s’il est facile de traiter d’imposteurs ceux qui les diffusent et d’imbéciles ceux qui y croient, il est beaucoup plus difficile de trouver des solutions simples pour éradiquer le phénomène. On peut néanmoins tenter d’agir sur plusieurs registres. Un registre juridique tout d’abord, comme la loi française de décembre 2018 dite « loi fake news », relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Une régulation par les grands acteurs du numérique eux-mêmes, confère la récente décision de Twitter de fermer définitivement le compte de Donald Trump, mais attention aux critiques d’atteintes à la liberté. Enfin, une acculturation aux codes et usages des nouveaux médias par le système éducatif notamment, et une meilleure explication et propagation des réalités scientifiques via une vulgarisation intelligente, mise en œuvre par les scientifiques et les sachants eux-mêmes, qui ne peuvent plus se contenter de rester dans leur pré-carré. Tout cela risque toutefois d’être long et complexe et hélas la recette miracle pour « une pédagogie de la modernité » n’existe pas. La démarche scientifique est beaucoup plus exigeante qu’un simple clic sur Internet permettant de propager rapidement une fausse information.

Restaurer les conditions d’un débat équilibré sur les grandes questions sanitaires, environnementales et climatiques est devenu un enjeu crucial, qui demande la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés.

Il est en effet temps de réhabiliter la science et le progrès et de rechercher un consensus autour de leur développement. C’est ce à quoi s’emploiera le débat du 4 février « Les fake news, virus du progrès ! »

L’un des grands spécialistes américains du complotisme, Joseph Uscinski, a écrit ainsi dans un de ses livres que « les théories du complot sont faites pour les perdants ». Une formule à méditer !