« DEAL ! » C’est par ce tweet triomphant que le président du Conseil européen Charles Michel a annoncé l’accord conclu le 21 juillet par les 27 sur le plan de relance post Covid de 750 milliards d’euros. « Un jour historique pour l’Europe » a de son côté déclaré Emmanuel Macron. Après un marathon de cinq jours et une bataille acharnée entre les « cigales » et les « fourmis », entre les « dépensiers » et les « frugaux » – certains diront même les « radins » –, pour la première fois, l’Europe accepte l’idée d’une dette commune adossée sur un budget de 1.074 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Pour Bruno Le Maire, cet accord est « l’acte de naissance d’une nouvelle Europe, plus solidaire, plus verte et plus franco-allemande ». Il s’inscrit délibérément dans le triptyque macronien pour l’Europe, « souveraineté-unité-démocratie ». En effet, depuis son discours de la Sorbonne en 2017, le président de la République ne cesse d’invoquer cette souveraineté européenne, qui, selon lui, doit prolonger la souveraineté nationale. Deux idées-clés se retrouvent en filigrane de toutes ses interventions : « la constitution d’une capacité budgétaire commune à mobiliser en cas de crise et le renforcement des compétences européennes sur un certain nombre d’enjeux stratégiques comme la sécurité, le numérique, la politique étrangère ou la lutte contre le réchauffement climatique ».

Cela dit, que veut vraiment dire souveraineté européenne ? Selon le Larousse, la souveraineté est « le pouvoir suprême reconnu à l’État, qui implique l’exclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance absolue dans l’ordre international ». Or, Il n’y a pas d’Etat européen et au plus fort de la mondialisation, il y a ceux qui ont cru à la fin des frontières et à l’émergence d’un monde global, dominé par la Chine et les Etats-Unis.

Mais le virus est passé par là, et avec lui une crise économique majeure, qui a modifié en profondeur la perception que les Européens avaient de l’Europe et contribué à rapprocher la France et l’Allemagne autour du concept d’autonomie stratégique.

La mondialisation semble muter, on envisage partout des relocalisations à proximité des bassins de consommation, le développement continu du commerce international n’apparait plus comme la panacée… à telle enseigne que cela fait dire à la politologue allemande Ulrike Guérot : « il se peut qu’un petit virus réussisse là où de nombreuses initiatives européennes ont échoué par le passé : faire naître une autre Europe : démocratique, légitime et plus sociale ».

Mais comment inscrire ce sursaut européen dans la durée ? Le plan de relance y suffira-t-il ? Et le besoin d’Europe est-il le même pour tout le monde ?

Pour le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, « les Européens doivent se révéler à eux-mêmes qu’ils sont une puissance, et l’Europe doit définitivement sortir de l’innocence et de la naïveté ».

De son côté, le président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, invite à aller au-delà du plan de relance, pour approfondir l’intégration européenne et les maîtres mots de la présidence allemande de l’UE, qui a commencé le 1er juillet dernier, seront la souveraineté et la solidarité.

Mais comment cette notion de souveraineté européenne peut-elle s’accorder avec la souveraineté des Etats-Nations, à l’heure où les idées nationalistes et populistes semblent de plus en plus solidement ancrées en Europe ?

C’est autour de cette indispensable souveraineté européenne et des façons de la mettre en œuvre que s’articulera le débat du 27 août, intitulé « Souverain et indépendant ».

Faudra-t-il demain renforcer la puissance de l’Europe pour mieux protéger les nations ou, au contraire, aller vers ce fédéralisme et ces Etats-Unis d’Europe que Victor Hugo appelait déjà de ses vœux ? « Nous aurons ces grands Etats-Unis d’Europe, qui couronneront le vieux monde comme les États-Unis d’Amérique couronnent le nouveau ».

Plénière « Souverain et indépendant » – jeudi 27 août