« La démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres » disait Winston Churchill. Mais aujourd’hui où en est la démocratie, après le confinement et la privation de libertés imposés à plus d’un tiers de l’humanité ?

Face à la menace « incarnée par certains gouvernements durant la crise sanitaire », 500 personnalités de tous les pays, parmi lesquelles la Nobel de littérature biélorusse Svetlana Alexievitch, l’écrivain français Bernard-Henri Lévy, l’acteur américain Richard Gere, l’ex-président polonais Lech Walesa ou encore l’ancienne cheffe de la diplomatie américaine Madeleine Albright, ont signé une lettre en forme de mise en garde. Pour eux, « la démocratie est en danger ».

En plus de ses conséquences économiques et sociales, il est en effet fort probable que la pandémie ait aussi de graves conséquences politiques un peu partout dans le monde : en Hongrie où le gouvernement a décrété un état d’urgence illimité, au Salvador avec le recours à des centres de détention, en Russie où Vladimir Poutine est autorisé à rester au pouvoir jusqu’en 2036, à Hong Kong où la loi de sécurité nationale a été imposée par Pékin etc. Partout des états d’exception s’inscrivent dans le droit, au nom de la sécurité et de la santé des citoyens. Même dans les démocraties comme la nôtre, l’appel au civisme va parfois jusqu’à se confondre avec un appel à la dénonciation rappelant des heures sombres de notre histoire.

En dehors même de la crise sanitaire, en France, on constate depuis des années déjà une méfiance grandissante vis-à-vis des politiques qui nous représentent. Ce désenchantement se traduit par des taux d’abstention massifs, comme l’ont encore montré les dernières municipales… et la peur du virus n’explique pas tout.

Cela a fait dire au président de la République que « nous vivons une crise démocratique profonde », et au Premier ministre que « la restauration d’un lien de confiance entre représentants et représentés devient indispensable ».

Mais comment expliquer ce désenchantement des Français et comment y remédier ? Comment redonner vigueur aux valeurs démocratiques ?

Pour Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique : « notre démocratie ne survivra pas si nous ne savons pas répondre à la crise actuelle ». « Les Français, dit-il, ne reconnaissent plus leur propre pays » car « le fossé se creuse entre les préoccupations réelles, quotidiennes, d’une majeure partie du corps social, et les sujets qui agitent les plateaux télévisés et les débats politiques. »

Ce rejet de la politique traditionnelle se traduit aussi dans l’actuel bourgeonnement de mouvements citoyens. Pour Jean Castex, « ces citoyens qui aspirent de plus en plus à participer à la chose publique sous des formes nouvelles », impliquent la nécessité de « trouver les modalités de conciliation entre démocratie directe et démocratie représentative ».

La démocratie libérale et représentative telle que nous la connaissons semble donc à bout de souffle, en France comme ailleurs. Elle fait l’objet d’attaques tous azimuts et peine à retrouver sa force d’affirmation au moment où se développent, un peu partout, des gouvernements autoritaires et populistes. C’est d’autant plus vrai que les Etats démocratiques ne se sont pas montrées particulièrement plus efficaces, ou plus soucieux de la vérité, que les régimes autoritaires pendant cette crise sanitaire. Si un virus suffit à éliminer toute valeur des principes démocratiques, comment attendre que les citoyens y accordent de l’importance ?

Même si Platon considérait la démocratie comme « la dictature de l’ignorance », n’oublions pas qu’elle signifie littéralement « le pouvoir au peuple ». La crise actuelle montre l’urgence de trouver de nouvelles formes de médiations entre les citoyens et les élus.

Le débat « Toux experts : qui croire ? » du jeudi 27 août explorera toutes les pistes pour revivifier la démocratie, en donnant notamment un rôle plus important aux associations et à l’ensemble des corps intermédiaires.

Plénière « Tous experts : qui croire ? » – jeudi 27 août de 10h30 à 11h20